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Taxi zum Klo, un film de Frank Ripploh (1980)

Publié le par Jean-Yves Alt

Ce long métrage montre la crudité de la sexualité sans l'avilir. Il questionne la quête jamais désarmée de nouveaux partenaires, sans la réduire à une pathologie et fréquente le ghetto homo sans laisser croire qu'il est le seul centre d'intérêts.

Un film sans complaisance et sans pudeur, beau de sa seule sincérité qui parle du désir de liberté que la peur de choquer n'arrête pas.

Derrière un titre provocateur (« Taxi pour les chiottes ») le réalisateur, Frank Ripploh, qui s'est mis en scène lui-même en se dénudant physiquement et surtout moralement, réussit à faire partager ses joies, ses doutes, ses choix.

La vertu de ce film est que chacun peut s'y reconnaître entier, autrement dit multiple, parfois généreux, parfois désabusé ou cruel, tendre, salaud, amoureux, désiré, drôle, égoïste... Ce film fait échec au manichéisme de la représentation de l'homosexuel qui peut aider une vieille dame à traverser la rue, et, cinq minutes plus tard, sucer le premier sexe disponible dans des toilettes publiques tout en corrigeant les devoirs de ses élèves.

Peggy (Frank Ripploh), homosexuel berlinois, est un instituteur adoré dans son école, un dragueur invétéré la nuit qui affronte la vie avec bonne humeur et une santé morale et physique à toute épreuve : avec le vocabulaire d'aujourd'hui, ce héros serait qualifié de «cool», «sympa», «convivial».

Grand amateur de tricks (référence à Renaud Camus, Peggy, raconte le développement d'une liaison, vite passionnée, qui devient un grand amour. Mais ce dernier se transforme lentement, il s'édulcore et s'accommode mal du désir sexuel libéré et multiforme que Peggy, qui tout en restant sincèrement épris de son amant Bernd (Bernd Broaderup), veut continuer d'assumer.

Ce demi-échec vécu par son amant qui rêve de s'installer à la campagne et de fidélité conjugale, sera plutôt l'apprentissage d'un nouvel ordre amoureux.

La première scène d'amour entre Peggy et son amant, dans une baignoire, est un moment de partages érotiques particulièrement vibrant, rarement montré au cinéma.

Ce film montre le respect de l'autre, alors que Peggy est dans une recherche continuelle de sensations interdites : chacun avançant avec l'autre, au-delà de ses propres inhibitions initiées par sa propre éducation ou propagées par ceux qui règlent l'ordre répressif.

La jouissance peut-elle aller de pair avec le partage ?

Peggy (dernière scène du film) - Et moi, qu'est-ce que j'aurais mis sur la liste (référence à la scène précédente où Peggy demande à ses élèves d’écrire six choses qui leur feraient plaisir en allant au bout de ce qu’ils aimeraient faire). Je vais envoyer un message à Bernd. Peut-être qu’on pourra, malgré tout, vivre ensemble. On achètera la ferme. Ah ! Cela ne marchera pas. Et si on se suicidait ensemble. Non ! Ce serait trop tragique. Aller, on a essayé. Encore une fois…

Un film qui évite tant la mièvrerie, que le misérabilisme ou l'exhibitionnisme gratuit : des fragments de vie qui pulvérisent les stéréotypes et font apparaître un homme, Frank Ripploh.


Ce film a reçu le prix « Max Ophüls » en 1981


Lire la chronique de Renaud Camus

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