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La fin de la bataille, Elisabetta Rasy

Publié le par Jean-Yves Alt

Dans la pénombre de son salon, le médecin-major accueille et écoute Franz Anton Beltrani, F.A.B., qu'il revoit à sa demande, vingt ans après la guerre, vingt ans après cet événement qu'ils ont traversé chacun très solitaire.

Dans cette obscurité, pour le vieux médecin militaire à la vue déclinante, le passage du temps semble s'abolir : F.A.B. demeure ce jeune homme secret, « beau, doux et mélancolique », auquel l'officier donnait des soins quotidiens et privilégiés. Cette illusion d'intemporalité permet au médecin-major de prodiguer à son ancien patient les soins qu'à présent il requiert : une écoute attentive.

En une longue confession, Franz Anton Beltrani dévoile alors peu à peu ce que fut son existence, une vie à la fois tortueuse et rigoureuse.

Le déroulement de cette litanie n'a rien de linéaire, les souvenirs de guerre du médecin s'entrecoupent avec l'évocation par Franz de son enfance, de sa fiancée délaissée, et, plus tard, de ses recherches hasardeuses, ses rencontres éphémères, ses promenades nocturnes lors desquelles il trouve auprès de garçons beaux et indifférents de courts moments de complicité, leur faisant l'amour avec hâte et recueillement. Au centre de cette confession et de ses recherches précaires se trouvent toujours le souvenir d'une mère angoissée, possessive et finalement incapable d'amour.

Par cette évocation, l'écrivain nous montre pudiquement l'origine d'un mal-être, d'une blessure que rien ne peut cicatriser :

« Comme sa mère, il était trahi, jaloux, inconsolable, comme elle il cultivait une terreur permanente d'être abandonné... Lui, consacré et impuissant à calmer l'agitation et la panique de sa mère à l'idée de devenir pauvre, de rester seule, l'enfant qui, sans le savoir, partageait tous ses états d'âme, toutes ses douleurs... Lui, petit, convaincu que tout contact ne peut aboutir qu'à une blessure, à une défaite. Et donc livré en otage à l'avidité et à la passion de sa mère. »

Cette peur originelle, Franz Anton Beltrani la répercute tout au long de sa vie, une vie qui est livrée ici fragmentée, consacrant ainsi l'impossibilité de narrer sans discontinuité toute existence.

Dans ce récit terriblement émouvant, Elisabetta Rasy s'attache plutôt à montrer la répétition de thèmes obsessionnels et récurrents, la perte définitive de la confiance en un monde cohérent et accueillant, l'impossibilité de croire en l'amour.

Pour Franz Anton Beltrani, la bataille, quelle qu'en soit l'issue, est en fait perdue d'avance.

La fin de la bataille, Elisabetta Rasy, Editions Rivages, 1988, ISBN : 2869301723

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