Bras de fer, un film de Gérard Vergez (1985)
Trahisons, passions, jalousies, amitiés, chantage à l'homosexualité... Le vice et la vertu ont la part belle dans Bras de Fer, au coeur de la Résistance.
Bras de Fer, c'est un duo comme dans Les cavaliers de l'orage du même réalisateur.
Un duo dramatique, un duo de frères d'armes, Pierre Wagnies dit Augustin (Christophe Malavoy) et Delancourt dit Condor (Bernard Giraudeau), un duo de sportifs, d'escrimeurs de haut niveau habitués à croiser le fer pour la gloire. Un duo d'amis lancés dans un réseau de Résistance dans le Paris de l'Occupation.
Entre eux, une femme blafarde, sensuelle et camée (Camille jouée par Angela Molina), à qui chacun voue une passion sans bornes : si la Résistance et l'action patriotique rapprochent Augustin et Condor, la femme les sépare et influence leurs décisions au plus profond d'eux-mêmes.
Rien n'est simple dans cet affrontement où la raison d'Etat (le devoir) se mêle intimement aux bouillonnements impulsifs de l'amour : l'amitié se montre telle qu'elle est souvent, incertaine, parfois fidèle, parfois perverse.
Ce film regorge d'hésitations, de revirements, de réactions imprévues. Aussi, jusqu'à la fin, le spectateur reste dans un flou artistique de ses propres suppositions : où commence la trahison ? où finit-elle ? Condor est-il vraiment un salaud ? Augustin, jaloux jusqu'à la moelle, d'une jalousie qu'il refoule totalement, mérite-t-il un brevet de sainteté ? Condor trahit-il Augustin ?
Mais, alors que l'opération Judas prévoyait l'élimination d'Augustin une fois accomplie la mission de ce dernier, Condor lui sauve la vie. Une vie qu'il n'hésite pourtant pas à livrer en pâture aux nazis durant tout le film.
Rien n'est évident dans ce film. D'emblée, Bras de Fer plonge le spectateur en eaux troubles : le décor de cet hôtel parisien luxueux, avec sa piscine et sa salle d'escrime où naviguent les requins de tous bords, participe pleinement de l'ambiance générale. C'est le lieu où se croisent officiers nazis et espions de la Résistance, putes de haut vol et hommes d'affaires, tout le gratin interlope et sournois d'une époque aux enjeux capitaux (les nazis veulent extorquer à Condor des renseignements sur le débarquement allié).
Rivalités au sein de la Résistance donc, mais partie d'échecs aussi entre Condor et les Allemands : il sait profiter du petit défaut de l'officier Von Bleicher incarné par Mathieu Carrière pour marquer des points en le compromettant dans les bras d'un gymnaste dénudé. Il tient Von Bleicher par son homosexualité, comme les nazis le tiennent, lui, par Angela Molina interposée : Angela en chanteuse de cabaret, accrochée à la cocaïne pour être mieux tenue en laisse par ses geôliers.
Gérard Vergez a vraiment réussi une mixture savante d'étude des comportements, en un moment dramatique sans oublier l'action. Du sens et du suspense : magnifique !