Les serpents, Pierre Bourgeade
L’anecdote des Serpents est simple : Albin Leblanc, un jeune instituteur, est rappelé en Algérie Il est affecté dans un camp opérationnel de Tizi-Ouzou en Kabylie. Horrifié par la torture, il renonce à son grade d’aspirant et se trouve, de ce fait, en état de rébellion.
Conduit à Alger pour être jugé, il échappe à l’embuscade dans laquelle le convoi est tombé et partage sa fuite avec le lieutenant d’Arzacq, personnage ambigu et cruel. Quand celui-ci est pris par les rebelles, Albin est laissé en liberté.
À partir de ce moment, la vie d’Albin bascule ; il choisit, en souvenir du lieutenant mort sous la torture d’être infidèle à lui-même, de torturer de ses mains et se suicide.
Pierre Bourgeade relate cette histoire de manière terriblement dépouillée et précise. Ainsi, nous sommes confrontés brutalement à la fêlure que l’amitié, sinon un amour silencieux et refoulé peut provoquer chez un homme. Ce roman implacable, insoutenable même dans sa banalité, trouve peut-être son explication dans cette phrase d’Albin :
« De mœurs douces, d’esprit timoré, ami du silence, des enfants, des livres, je craignais de mal m’adapter à la société militaire. Le fait est que je m’y suis adapté au point de ne pas m’y sentir tout à fait étranger. L’étrangeté de la situation, pour moi est là. »
■ Les serpents, Pierre Bourgeade, Éditions Gallimard, Collection Le Chemin, 1983, ISBN : 2070251845 (existe aussi en poche Folio, 1986, ISBN : 2070377040)