Mon regard sur «Le saint Sébastien soigné par Irène», copie d'un tableau disparu de Georges de La Tour
Un homme est adossé à quelque chose que je ne peux définir. Une femme, à l'attitude très ramassée (est-elle agenouillée ?) se tient au niveau des genoux de cet homme : elle retire délicatement une flèche qu'il a reçue au bas de sa cuisse. Une autre femme regarde avec attention et effroi la délicate opération. Je ne vois pas de larmes couler sur ses joues mais je les imagine volontiers. Cette seconde femme tient de sa main droite une lanterne.
Comment mon regard a-t-il circulé dans cet espace pictural ? Un regard circulaire autour de la lanterne, nœud central de la scène, favorisé par une représentation particulièrement nocturne :
D'abord j'ai vu un corselet rigide et largement décolleté fait d'une étoffe vermillon. Ensuite une main qui retire lentement une flèche dont la pointe est encore dans la cuisse de l'homme. Mes yeux ont remonté ensuite son torse glabre et raidi d'où j'ai pressenti une autre blessure et quelques gouttes de sang séché. J'ai découvert à ce moment l'index de sa main gauche désignant la blessure au-dessus de son genou. Sa tête de douleur aux yeux mi-clos m'a conduit à la main tenant la lanterne. J'ai aperçu alors une femme plus coquette que la première vêtue d'une chemise claire aux larges emmanchures…
La cage de verre cylindrique de la lanterne projette une lumière tout autour d'elle dont les effets sont savamment dosés : placée non pas au premier plan mais au milieu des trois personnages, elle donne une importance quasi égale à chacun d'eux.
Ce qui me frappe dans ce tableau, c’est le côté romanesque de la scène. Sans les connaissances que j'en ai, je pourrais facilement imaginer un dialogue amoureux entre deux jeunes gens après un accident de chasse. Rien ne désigne, dans ce tableau, une représentation, religieuse – le luxe des vêtements éloignant même l'idée d'un tableau de dévotion.
Le recueillement et la qualité du silence l'emportent : il n'y a rien de tourmenté ou de sanguinolent, tout est calme et sagesse. C'est encore une fois la connaissance que j'ai de cette histoire et non pas le traitement pictural du peintre qui provoque mon affliction.
Saint Sébastien soigné par Irène
Copie d'après un original perdu de Georges de La Tour
Huile sur toile, 105 cm x 139 cm, Musée des Beaux-Arts d'Orléans
J'aime cet art d'immobiliser les personnages pour me les rendre, à jamais, éternels. J'aime quand la lumière (peu importe sa véridicité) accroche des détails fragmentés et les rend ainsi chatoyants. J'aime cette lumière qui parvient dans une scène figée à animer des formes dans la pénombre.
Un autre tableau de Georges de La Tour sur le même thème