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Les bergers, Melki Makhandar

Publié le par Jean-Yves Alt

La théorie de la réincarnation peut-elle apporter, sur l'homosexualité, un éclairage nouveau ? On n'en doutera pas après avoir lu les Bergers. Si l'on en croit Melki Makhandar, l'auteur du livre, notre moi profond n'est pas homme ou femme. En lui cohabitent les deux principes, le féminin et le masculin. A travers nos vies successives, nous empruntons indifféremment le corps de l'un ou l'autre sexe.

Toutefois, dans la mémoire inconsciente, le souvenir des états antérieurs ne s'efface pas. Si, plusieurs vies durant, nous avons été femme (ou homme), nous retrouvant dans un corps d'homme (ou de femme), nous pouvons éprouver quelque peine à nous habituer. Nous serons alors, homosexuel sans doute, beaucoup plus conscient de notre dualité.

Dans cette perspective, peu importe au fond notre orientation sexuelle, puisque celui que nous recherchons, l'Autre, possède également une double polarité. Cet Autre, nous l'avons perdu en quittant le "Grand Souffle" ; nous le croisons quelquefois au cours de nos incarnations, mais la rencontre définitive, la fusion, ne peut se produire que lorsque les deux protagonistes ont atteint la plénitude de la conscience d'eux-mêmes, c'est-à-dire de leur dualité.

L'homosexuel serait donc plus proche de sa réalisation. « Nous étions deux au départ, nous serons quatre à l'arrivée. », conclura l'un des Bergers.

Ces développements pourraient faire croire à un ouvrage théorique. Il n'en est rien. Melki Makhandar a bien écrit ici un roman. On pénètre dans l'univers des Bergers comme dans un récit de science-fiction.

La planète Terre est devenue le "meilleur des mondes". Grâce à la technologie élaborée par les psychocrates et les géniocrates sous le gouvernement de Fara, un travesti génial et paranoïaque, le bonheur parfait semble assuré aux Terriens - à ceux du moins qui appartiendront aux castes supérieures. Un jour, Kimleh, le compositeur officiel de la planète, en pleine gloire, quitte sa maison et part. Où va-t-il ? Dans quel but ? Il l'ignore. Sans qu'il le sache, il répond à un appel mystérieux. Sur la piste de la Montagne de Feu, l'attend Melek, l'un des Bergers. Kimleh apprend bientôt de celui-ci qu'ils sont cinq, cinq Bergers galactiques chargés de surveiller la Terre et d'empêcher les Terriens qu'ils ne s'écartent des objectifs fixés par la Vie. Lui, Kimleh, a été appelé pour accomplir une mission difficile. Il lui faudra longtemps pour comprendre en quoi consiste cette mission et il devra effectuer un long parcours initiatique avant d'accepter d'obéir aux ordres de la Vie.

Le message du livre relève de l'ésotérisme. Les Bergers enseignent que nous sommes incarnés sur la Terre pour apprendre, mais aussi que le déséquilibre entre le développement technologique et le développement spirituel constitue la plus grande menace pour l'ordre cosmique. Dans le monde tel que nous l'avons fait, nous sommes tous condamnés à mort, cependant nous avons le choix entre nous suicider ou bien transiter vers une nouvelle vie. Nous sommes aussi tous condamnés à l'amour, mais l'amour ne peut trouver de sens que dans la quête conscience et volontaire de l'Autre.

Dans ce roman, deux histoires d'amour s'entremêlent : l'une entre Kimleh et Kala, une femme de la caste inférieure des Béthéniens ; l'autre entre le Berger Melek et Markus, le jeune disciple de Kimleh. L'une et l'autre impliquent le corps et l'âme, mais la première est vécue comme un mouvement vers le bas, vers la terre, tandis que la seconde manifeste un mouvement vers le haut, vers le ciel. Réconciliés avec eux-mêmes et avec la nature, Kimleh et Kala se satisfont d'un amour au présent, alors que Melek et Markus ne peuvent se retrouver que dans un dépassement de leur condition. Melek, qui en a fini avec le cycle des incarnations, a reconnu l'Autre en Markus qui devrait, lui, traverser plusieurs vies encore. Afin de ne pas connaître la séparation, Markus accepte de subir la grande épreuve que Melek vivra aussi intensément à ses côtés. En trois jours, le jeune homme souffrira tout ce qu'il aurait dû souffrir au cours des vies qu'il lui restait à vivre. Ce qui nous vaut les pages les plus fortes et les plus lumineuses d'un livre tout entier baigné d'une lumière qui semble venue des étoiles.

■ Les bergers, Melki Makhandar, Éditions Yva Peyret, 1984, ISBN : 2830800028

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