Le grand Vizir de la nuit, Catherine Hermary-Vieille
Dès la première ligne nous sommes immergés dans la splendeur orientale d'une vie hors normes. Mais là je me situe de l'intérieur des conventions du XXe siècle. Alors qu'il faut justement oublier notre époque et se rouler avec délectation dans la somptuosité d'un conte d'amour.
Le livre est divisé en dix soirs. Ahmed se souvient de son maître et raconte sa légende. Nous sommes au VIIIe siècle dans le monde arabo-islamique. Ahmed élevé avec Djafar al-Barmaki lui voue une adoration exclusive et éternelle. Il suivra son maître, l'attendant chaque nuit aux portes des chambres où se consomment les rites de la chair, veillant sur son sommeil, assistant silencieux aux drames qui brûleront la vie de son aimé.
« Djafar rêvait d'une femme à lui en m'enlaçant, moi je rêvais de lui. Chaleur des nuits d'été, nous ne pouvions dormir. Souvenez-vous tous de vos quinze ans. »
Djafar est conduit à la cour de Harun al-Rachid suivi de son fidèle Ahmed. Son extraordinaire beauté séduira le grand calife et c'est l'histoire de leurs amours qui nous est contée dans ce roman. Les fêtes, l'or des palais, les chevaux caracolant sur les lignes épurées du désert, les nuits de violente sensualité quand les deux amants s'émerveillent de leur beauté, les petites matins et la musique des jets d'eau dans les vasques de porphyre, le chant voluptueux et infini d'un amour que la cour et le peuple observent et commentent, fascinés. Pas de morale bien sûr. Djafar et Harun n'admettent le monde que comme le décor de leur prestigieuse liaison :
« Mon maître eut tout, le calife chaque jour le comblait d'un nouvel honneur comme s'il était une source et Djafar une rivière. »
Le grand Vizir de la nuit, Catherine Hermary-Vieille, Gallimard, 1981, ISBN : 2070263592, (Prix Fémina 1981)