Photographie : Garçons des années 20
Jeunes garçons aux slips à franges orientales, éphèbes dévêtus à "l'antique"… Avant-guerre, nombreux étaient les amateurs de photographies adolescentes "mises en scène". Parfois, elles ressurgissent des greniers où on les avait cachées... à l'occasion d'un marché aux puces par exemple.
On n'a pas attendu le polaroïd pour réaliser et faire circuler les images intimes, et ce que l'on nommait, délicieusement, les grivoiseries. Les années 20 et 30 ont multiplié les publications de nu, études académiques et artistiques, documents à l'intention des peintres qui répandaient femmes, enfants, hommes ou vieillards dans le plus simple appareil, à l'intention des voyeurismes de tous ordres et des obsessions de tout poil.
La pruderie aidant, les poses étaient "artistiques" et les justifications culturelles ont donné certaines conventions plutôt savoureuses dans lesquelles le grotesque le dispute au kitch, pour des clichés dont le second degré amuse aujourd'hui.
On peut facilement imaginer comment un bourgeois de province - les amateurs éclairés qui pratiquaient alors la photographie étaient forcément à l'aise - installait, confit de remords, l'atelier destiné à conserver l'éphémère nudité de corps adolescents.
La pudibonderie de l'époque, la difficulté d'assumer l'homosexualité ou l'amour des jeunes garçons vont convoquer toutes les justifications culturelles possibles. A commencer par l'esthétisme et la référence à une Grèce antique caricaturée.
Dans ces photographies, le décor est essentiel. Avec des accessoires, dérisoire bric-à-brac que l'on retrouve d'un cliché à l'autre : tapis, faux marbres, fourrures, faux raisins, tuniques ou toges "à la grecque" plus ou moins crédibles… Sous ce fatras, il s'agit de déshabiller le garçon, de regarder et de mettre en scène le galbe d'une fesse, l'évidence d'un sexe, le modelé d'un torse. La pose, dans toutes les conventions de "l'antique", privilégie les cambrures et les regards perdus. La main sur la hanche, ou supportant une jarre, met en évidence les délicatesses de musculation. Cette image devient parfois émouvante par quelques regards échappés et complices.
De la naïveté de l'approche surgissent pourtant quelques images étonnantes. Par exemple, ce garçon robuste, au torse fort, dans son slip à franges sur fond de tapis hésitant entre Grèce et Orient. Image parfaitement érotique et contradictoire, virile et efféminée, fictionnelle et attachée aux détails de la musculature quand le visage légèrement flou, au menton déterminé, laisse la primauté au corps et à la pose. La modernité de l'approche et du cadrage font que, pour une fois, mais c'est là un des émerveillements de la photographie d'amateur, une image s'impose, au-delà du sujet.
Je ne peux m'empêcher de penser, en voyant ces clichés, aux vieux messieurs d'aujourd'hui qui ont posé dans leur jeune âge pour un bourgeois, maintenant disparu.
Lire aussi sur ce blog : Wilhelm von Gloeden [1856-1931] : « Le temps de la pose » par Guy Hocquenghem