Arcimboldo, peintre de la pensée
On peut prendre plaisir à chercher comment le visage et le torse de cette allégorie prend chair dans l'imbrication des mammifères et reptiles marins, poissons, crustacés et coraux.
Il faut reconnaître que ce peintre est maître dans l'art des anamorphoses.
Certes, les correspondances entre une partie du corps et la faune marine utilisée sont parfois plus ou plus heureuses…
comme cette raie qui aplatit trop la joue.
Giuseppe Arcimboldo – L'eau – 1566
Huile sur bois d'aulne, Vienne, Kunsthistorisches Museum
Il faut s'approcher suffisamment près du tableau pour pénétrer dans ce filet de pêche miraculeuse (anguilles, crabes, écrevisses, hippocampes, murènes, perles, phoques, raies, sèches, tortues…) et ainsi oublier le portrait.
Laisser son esprit flotter dans ce monde marin pour s'imprégner de la thématique aquatique et en déceler les valeurs individuelles, émotionnelles et culturelles. Autrement dit, s'approcher de l'œuvre pour plonger dans son abstraction et y lire un ordre de la nature et, pourquoi pas, un ordre de la pensée.
Ainsi, Arcimboldo n'est pas seulement un peintre de « Natures mortes », technicien virtuose de la reconstitution d'images. Il est aussi celui qui condense parfaitement une entité concrète (ici, la faune marine) pour en faire une unité abstraite (ordre de la nature, de la pensée…).