De si braves garçons, Patrick Modiano
Le fil secret qui unit ces nouvelles, c'est la boîte à bachot cosmopolite où, au fond d'un parc, des jeunes gens rêvaient à l'avenir en écoutant les trains dans la nuit. Vingt ans après, cette jeunesse dorée a pris un coup de vieux, et le narrateur, Patrick recense cette déroute collective… tout un cortège de vieux sportifs, de parasites en éternel blazer, de gigolos blasés, de gosses de riches encanaillés du côté de la gare du Nord.
Encombrés de mères trop belles, de pères mystérieux, les collégiens de Modiano sont des enfants seuls, de Michel Karvé, qui fuit l'avenue Victor-Hugo, à Christian Portier, perdu dans son rez-de-chaussée.
« Nous buvions chacun à notre tour en écoutant la musique, et les ombres des passants, projetées contre le mur par un lampadaire de l'avenue, nous frôlaient. »
Dans son univers de faux noms et de fausses vies, la folie de Mc Fowles semble la seule issue pour transformer le rêve en réalité.
Il y a ce garçon surnommé Johnny, à cause de sa ressemblance avec Weissmuller, pris dans une rafle au métro Trocadéro.
Le mystère du style de Modiano est dans cette acuité : la précision des sensations cernant au plus près l'évanescence des êtres, à coup de petites phrases minutieuses et vagues.
Quel lien peut-il unir ces collégiens rêveurs ?
Dès le départ, une même nostalgie les accable de tristesse subite, de désir de fuite devant la nuit, alors qu'il n'y a personne à haïr. Le seul trésor de Michel Karvé est un magazine daté du mois de sa naissance, juillet dix-neuf cent quarante-cinq, avec une publicité de porto « Retour aux jours heureux ».
■ Editions Gallimard, 1982, ISBN : 2070236471