La dernière fête de l'Empire, Angelo Rinaldi
Ce roman est le retour dans son île natale d'un narrateur parisianisé mais obsédé par l'histoire de son enfance : actes, personnages, dénouements provisoires, révélations s'éventent au fil des pages.
Il n'y a pas de progression dans ce retour en arrière : tout remonte à la fois, tout se bouscule dans la mémoire du narrateur.
Celui-ci, vingt ans après, revient en Corse, pour un jour, célébrer la vente du bar de sa mère : l'« Empire ». Retrouvailles avec le temps.
Défilent alors les figures vivantes et mortes : Madame Casalta la maquerelle pédagogue et complice, Monsieur Levie l'inverti officiel. Les disparus éternellement jeunes, tels Lisa, la sœur éprise de son petit frère, cancéreuse à quinze ans, et Arnaud, le beau cousin emporté à vingt, passionné de football et de livres, auquel le narrateur dut les seuls moments de bonheur de son adolescence puisqu'il l'aima muettement et honteusement.
La mère reste lointaine ; comme elle ignorait autrefois les angoisses de virilité de son fils, elle ne connaîtra de sa vie d'aujourd'hui qu'une rassurante réussite professionnelle et aussi Irène, maîtresse mollement déclarée, car le narrateur ne va tout de même pas citer Christophe, le gigolo brutal et exquis qui ne cesse pourtant d'occuper ses pensées tout le temps de ce retour en pays d'enfance.
On retrouve dans ce roman les phrases longues et denses d'Angelo Rinaldi qui ne s'éclairent souvent qu'à la énième proposition, donnant au lecteur l'impression d'être toujours en retard d'un souvenir. Toutes ces associations savamment désordonnées (une odeur d'eucalyptus, un tictac d'horloge, une vision de cimetière, une réplique de la mère…) constituent l'axe où viennent s'articuler les espérances actuelles du narrateur illustrées par cette fin d'après-midi contemplative dans la salle de l'Empire, à attendre un coup de téléphone de Christophe… qui ne viendra évidemment pas.
Liquider l'Empire, laisser mourir la mère et renoncer à la tendresse, ne garder, chercher que la force, pouvoir répondre « pas du tout » à l'odieuse question du partenaire : « vous êtes sentimental ? »
■ La dernière fête de l'Empire, Angelo Rinaldi, Éditions Gallimard/Folio, 1984, ISBN : 2070375870
Du même auteur : Les Dames de France - Les jardins du Consulat - Les roses de Pline