Les petits Biskris, un poème de Jules Lemaître (1881)
Ils font la roue éperdument
Sur ta place, ô Gouvernement !
Puis dorment sur la pierre nue,
Philippe ! Autour de ta statue.
Dégageant la nuque et le front,
Leurs cheveux sont coupés en rond.
Sous le soleil qui fait leur joie,
Leur chéchia rouge flamboie.
Si bien qu'à distance on croit voir
Des coquelicots se mouvoir.
En trois coups de brosse nos bottes
Resplendissent sous leurs menottes ;
Après quoi ces coquelicots
Vendent des « organes locaux ».
Souples et peu chargés de linges,
Ils ont de jolis airs de singes.
Ils sont charmants ; et mon souci,
C'est que les gavroches d'ici,
Sous leurs longs cils voilant des flammes,
Ont de plus beaux yeux que nos femmes.
Jules Lemaître
(Alger, mars 1881)
in “Poésies”, Petites orientales, Les petits Biskris ; Alphonse Lemerre éditeur, Paris, s. d., pp. 194-195