Ô Tante en emporte le vent, Jean-Nicolas Baudrin
Dans ce roman policier, il est question d'un jeune journaliste homosexuel à la plume trop libre qui est poursuivi puis traqué par des barbouzes pour avoir eu connaissance d'une soirée bleue qui compromettait une brochette de députés et de ministres.
Le ton de Nicolas Baudrin est désinvolte et volontiers ironique. L'auteur n'hésite pas à entrer dans son texte pour y faire des commentaires goguenards à et sur ses lecteurs ; il manipule comme des pions les vieilles gloires de l'intelligentsia gauchiste que l'on retrouve singulièrement rangées et notabilisées au cours du récit.
Le préfet s'appelle Guatary, un député Bernard-Henri Dollé, un commissaire des Renseignements Généraux se nomme Deleuze, un journaliste de la première chaîne André Gisquette. Il y a quelque chose de comique à entendre le commissaire-divisionnaire Barthes donner des ordres à ses sous-fifres Lacan, Lyotard, Foucault ou à l'inspecteur Castoriadis.
L'intrigue possède peu de qualités mais le personnage de Michel Lantin a une importance primordiale. On le voit déprimé et volontaire. Ce militant pour une existence meilleure a rencontré Bruno. Et tout au long de ses périples, Michel pense à son jeune amant. La description des scènes d'amour, parfois osées, est plutôt bien réussie.
« L'étudiant visita le salon du rez-de-chaussée puis à l'étage le bureau bibliothèque et la chambre, meublés sans trop de frais mais confortablement. L'ensemble très sympathique incitait au bien vivre. Partout un mélange d'ancien et de moderne et aux murs des vieilles gravures voisinant avec des toiles contemporaines. Le maître de maison était ravi de constater que le garçon non seulement appréciait mais connaissait la nouvelle peinture. Il lui montra une sérigraphie de Monory représentant le fils de l'artiste à quinze ou seize ans qui se trouvait dans sa chambre et, tout naturellement, ils se retrouvèrent sur le lit. Michel avait glissé une cassette dans le Uher et ils écoutaient un choix de chansons américaines : Randy Newman, John Miles et surtout Murray Head dans "Say it ain't so". Il avait servi à son hôte un grand verre de Glenn Livett qu'ils se partageaient et tout simplement ils s'aimèrent. Ce fut lent, tendre et très doux. Ils avaient l'impression de s'être toujours connus ou plutôt de se retrouver après une longue absence. C'était comme une vaste brasse dans une eau tiède. Leurs doigts, leurs lèvres faisaient connaissance de leurs corps, prenant possession de toute la surface de leur peau ferme et souple et quand leurs ventres fleurirent, le plaisir leur fut comme un supplément, une prime à de longues heures merveilleuses. Ils somnolaient presque, enlacés se repassant avec gra¬vité un joint que Bruno avait confectionné et la nuit était déjà tombée lorsque le téléphone sonna violent, incongru. » (page 42)
Un polar dans l'ambiance de la fac de Vincennes, du FHAR, dans lequel on lit Agustin Gomez-Arcos et on contemple des sérigraphies de Monory.
■ Ô Tante en emporte le vent, Jean-Nicolas Baudrin, Éditions Phot'Œil, collection Sanguine, 1979, ISBN : 2863530054