Quelque chose de la vie, Annie Saumont (Nouvelles)
« Comment ça a commencé. On se demande. Personne ne sait. »
Vous souvenez-vous de cet assassinat des années 80 ? Trois parachutistes propulsent hors d'un train un jeune Arabe. Racisme ordinaire. Annie Saumont raconte l'histoire, l'imagine certes, par le truchement d'un témoin, un jeune « blond » qui se souvient du « basané » insulté et seul. Ce meurtre collectif devenu fiction est enfin réel. « Les billets s'il vous plaît » dit la vérité ; l'écrivain voit juste quand il invente ; il touche, mieux qu'un juge, le fond de la vie.
Les treize nouvelles du recueil d'Annie Saumont dévoilent l'immense solitude d'exister, sous le masque quotidien. Passe-moi le sel, dit le mari à sa femme, faute d'avouer que c'est atroce un couple éternel. En quelques pages, scandé par les événements de la petite et de la grande histoire, illustré par des « tubes » et relayé par des pubs, c'est le temps d'une vie. Une famille naît et meurt, sans mystère même si le fils aîné souffre, muet, parce que son amant l'a quitté. C'est le récit du « déjà fini », le roman des gens ordinaires.
Les homosexuels font partie de l'univers d'Annie Saumont, au même titre que les femmes qui rêvent du grand amour avec des aventuriers. Ses nouvelles sont révélatrices de notre société et de ses tabous.
Annie Saumont a une écriture sans fioritures, à la fois simple comme l'évidence des rivières, et heurtée par le bruit des remous : chacun est logé à la même enseigne, orphelins halés par la vie, toujours partants, en dépit des coups et de ce mur (Cet été là) qui sépare les êtres les plus proches, un obstacle interne, comme pour ces deux garçons paumés (La corde) qui ne couchent pas ensemble parce que il y a cette incommensurable difficulté à être heureux et à oublier les meurtrissures de l'enfance.
Des nouvelles où la plainte retenue a l'élégance de jaillir en échappées belles quand le désespoir est le plus âpre.
■ Quelque chose de la vie, Annie Saumont, Editions Julliard, 1999, ISBN : 2260015352
Du même auteur : Je suis pas un camion - La terre est à nous