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L'homosexualité dans la Grèce antique vue par Bernard Sergent

Publié le par Jean-Yves Alt

L'homosexualité, loin d'être une simple déviance, était un élément fondamental de la culture des peuples de la Grèce archaïque (750 à 500 avant J.-C.).

Il y a près de 3000 ans, en effet, l'homosexualité avait un caractère initiatique, pédagogique, marqué par des rituels religieux et militaires.

Des similitudes de comportement dans la Perse du légendaire roi Cyrus, par exemple, ou chez les Germains et les Celtes des premiers siècles de notre ère, sembleraient attester qu'il s'agit d'une institution propre à certaines peuplades indo-européennes.

A l'époque archaïque, l'homosexualité – liée à la pédagogie et à l'initiation – était limitée en ce sens qu'elle concernait seulement les très hautes classes sociales.

Dans le mythe évoqué, Hyacinthe est fils de roi, et Apollon est un dieu, fils de Zeus. Le mythe se passe au coeur de la cité et donc pas du tout dans des milieux marginalisés.

La cité grecque était exclusivement masculine, la femme en était exclue, et marginalisée. C'est dans ce contexte très précis que l'homme plus âgé, en fait un jeune adulte de bonne famille, au maximum trente ans, était chargé de transmettre au plus jeune, un adolescent de douze à seize ans, toute sa vertu, toutes ses qualités. Donc une pédagogie au sens total du terme. Il s'agissait d'une duplication : l'adulte devait faire de l'autre son semblable.

Il s'agissait en fait de pédérastie et non d'homosexualité car en général les hommes, vers trente ans, se mariaient et avaient des enfants. Chez les Grecs anciens, non seulement le mot homosexuel n'existait pas, mais il n'avait pas d'équivalent. Le problème ne se posait pas. On n'était pas soit homo, soit hétéro. On était d'abord un pédéraste passif, adolescent, puis pédéraste actif un peu après et puis on se mariait. Il pouvait y avoir succession, mais un éraste pouvait avoir en même temps que son éromène une maîtresse. Pour un Grec ancien, il n'y avait pas d'opposition ou d'exclusion. C'était plutôt une évolution sexuelle. Du moins pour la période ancienne. Parce qu'à la période classique (500 à 350 avant J.-C.), ensuite, on verra apparaître une véritable bisexualité : un Grec normal aura alors une femme et aussi des maîtresses, des prostituées (des hétaires), et d'autre part il pourra avoir un jeune homme.

Rituels homosexuels dans la Grèce archaïque

Au début, la relation homosexuelle avait une forme assez brutale. Entre autre avec la pratique de l'enlèvement. L'éraste devait enlever celui qui devait devenir son éromène. Même si tout avait été préparé, ritualisé, l'enlèvement demeurait. Ce qui pouvait se rapprocher du rituel du mariage, car dans la société spartiate, par exemple, le mari devait officiellement enlever son épouse. Ensuite, toute une série d'épreuves attendaient le jeune homme. Il y avait le stage en brousse (cf. dans le mythe, Apollon qui emmène Hyacinthe à la chasse) qui durait deux mois. L'éromène devait accompagner son éraste dans tous ses exploits : chasses, mais aussi guerres. Plus tard, avec le développement de la cité, les choses se civilisèrent. Les rituels pédérastiques, fêtes et cérémonies, se célèbraient juste en marge de la ville. Par exemple, près de la tombe d'un héros.

La Palestre de Pompéi

Et puis, au début du VIe siècle avant J.-C., avec l'apparition des premiers gymnases, la pédérastie se rapprocha du centre de la cité. Ces lieux voyaient la prolifération de couples d'amants qui s'entraînaient ensemble. La naissance des palestres (gymnases) a sans doute été à l'origine de l'extension et du dévoiement de l'homosexualité, par rapport aux critères de départ. L'homosexualité s'étendit ainsi à toutes les classes. Les palestres devinrent des lieux de séduction et de drague. On vit aussi apparaître la prostitution masculine. C'est contre la perte du caractère sacré et initiatique de l'homosexualité que s'insurgeront, par la suite, les philosophes.

Socrate, Platon, Xénophon, Aristote, loin de condamner l'homosexualité (elle faisait partie intégrante de leur culture), reprocheront aux adultes de s'intéresser plus aux corps qu'à l'âme des jeunes gens (1).


Homosexualité et initiation chez les peuples indo-européens, Bernard Sergent, Editions Payot, 1996, ISBN : 2228890529


(1) Les aristocrates d'Athènes, dont la plupart étaient des hommes âgés entre vingt et trente ans, courtisaient des garçons qui en avaient onze ou douze, les considérant comme leurs « élèves » particuliers. On attendait d'un garçon libre qu'il permette à un influent soupirant de n'avoir de relations intimes qu'avec lui (tout au moins des rapports « intercruraux », entre les cuisses) en échange d'une éducation d'élite et d'avantages sociopolitiques s'étendant jusqu'à la famille du garçon.

Dans le Banquet de Xénophon (– 430 ; – 354), le riche Callias négocie une telle relation arrangée avec le père d'un garçon nommé Autolycus (en présence dudit garçon, assis à côté de son père). Le lecteur est frappé par la nature commerciale de leur échange. Difficile de savoir si les garçons étaient particulièrement ravis de se faire visiter les cuisses par ces adultes... Vivaient-ils cet acte comme de la maltraitance ?

Dans le Phèdre, Socrate met en garde ces jeunes garçons des motifs réels d'au moins certains de leurs mentors idolâtrés : « Voilà, mon cher enfant, ce qu'il faut sans cesse avoir présent à l'esprit ; sache bien que la tendresse d'un amant n'est jamais une affection bienveillante, mais un appétit grossier qui cherche à se satisfaire : L'amant aime son bien-aimé, comme le loup aime l'agneau. »

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