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Admirable osmose avec Henri Matisse

Publié le par Jean-Yves Alt

La séparation des espaces intérieur et extérieur, évidente au premier abord, devient de moins en moins franche au fur et à mesure que l'œil examine ce tableau. En effet, l'harmonie bleu-vert-jaune orangé est commune aux deux espaces et les réunit.

Le bocal de poissons rouges, placé en plein centre de l'image, est à la frontière entre le dedans et le dehors. Il crée un lien intense et efficace, car le bleu de son eau est aussi celui de la Seine.

La plante du petit pot de fleur, au pied du bocal, concrétise un lien entre l'intérieur et de l'extérieur. Elle s'arque vers la fenêtre en imitant la courbe du pont.

Les petites touches noires qui rythment l'extrémité de la tige de la plante se retrouvent avec les automobiles et les piétons.

Henri Matisse – Intérieur au bocal de poissons rouges – 1914

Huile sur toile, 147cm x 97cm, Centre Pompidou (MNAM), Paris

Ainsi Matisse invite-t-il à circuler entre intérieur et extérieur…

Ce tableau d'une sublime quiétude symbolise ma propre harmonie – quand je suis devant cette toile – comme si j'avais enfin trouvé le parfait dialogue entre mon intériorité et mon extériorité.

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Couples conformes par Antoine Pickels

Publié le par Jean-Yves Alt

« […] La manière dont les militants gays assimilationnistes ont réclamé, et parfois obtenu, que leur soit accordé le droit de convoler en justes noces n'est pas moins aberrante.

S'il est légitime de réclamer, en termes d'héritage, des droits égaux à ceux de partenaires hétérosexuels, ou de vouloir bénéficier des avantages fiscaux ou sociaux liés à la vie en couple – dans la mesure où ces avantages existent pour d'autres, ce qui pourrait être contesté, car la discrimination dont sont victimes à certains égards les célibataires peut parfois sembler injustifiée –, pourquoi cela doit-il se faire dans le cadre d'une reproduction de la cellule mère de la famille nucléaire ?

Une des particularités des pédés dans un contexte d'interdiction de relations avouées a été justement l'invention de relations affectives et sexuelles non figées, pas forcément basées sur l'exclusivité ni sur l'éternité, redonnant une place importante à l'amitié, créant des réseaux relationnels non traditionnels, des « familles choisies » en lieu et place des familles biologiques étouffantes et excluantes. Ces formes relationnelles se sont souvent avérées inventives et épanouissantes, et ont permis à des individus de s'accomplir, dégagés de l'étau des conventions. Abandonner ces pratiques inventives pour reproduire un modèle désuet, dans une société contemporaine où le divorce et les familles monoparentales ou reconstituées sont, même d'un point de vue straight, de plus en plus communes, se battre pour avoir le droit de se mouler dans un modèle périmé représente il me semble une véritable régression.

Que des jurisprudences sanctionnent l'existence de fait de certains couples et reconnaissent ces associations d'individus, les protégeant par là même de l'animosité des voisins ou de l'avidité des familles biologiques, très bien ; est-il pour autant nécessaire de les modéliser sur une structure contraignante qui a fait ses preuves en termes de capacité de destruction de l'individu ? Plutôt que de réclamer le mariage pour les gays – et d'assurer ainsi la fortune des psychothérapeutes, car il n'y a pas de raison pour que deux êtres de même sexe pris dans le même piège ne deviennent aussi fous que deux personnes de sexe différent –, il est urgent d'obtenir, pour tous, la reconnaissance du fait qu'un célibataire n'est pas un pestiféré, et que la polyandrie, la polygamie sont des modèles absolument pensables, dès lors qu'ils sont acceptés et non imposés ; la facilité d'adopter pour des parents isolés ou ne correspondant pas au schéma « classique » de la famille ; la reconnaissance que les communautés ne sont pas le fait des seuls moines. Voilà ce pour quoi les pédés devraient se battre, plutôt que de réclamer qu'on leur passe ces vilaines menottes que sont les alliances.

S'il y a couple – et il y a des couples pédés qui perdurent, sans autre contrat que moral –, s'il y a enfants – et il y a des enfants heureux, et d'autres malheureux, élevés par des couples d'hommes, qui malgré les bons exemples parentaux, préfèrent parfois l'autre sexe, même si dans ce cas-là, ils seront rarement tout à fait straights –, que des moyens légaux leur soient donnés pour jouir des mêmes avantages que leurs hétérologues n'est pas plus que logique. Que cela devienne le prétexte à la reproduction de l'étouffoir que peut être la famille pyramidale, avec rôles attribués dont on ne s'échappe pas, cadenassage vis-à-vis de l'extérieur, et prétention à représenter la meilleure partie du monde jusqu'à la fin de ses jours, est une exagération dangereuse, et représente une perte par rapport à ce qui a déjà pu être inventé hors de ce schéma.

Antoine Pickels

in « Un goût exquis : Essai de Pédesthétique », éditions Cercle d’Art, collection Ah !, Bruxelles, 2006, ISBN : 2702208037, pp.43/44

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Clé du bonheur avec Robert Doisneau ?

Publié le par Jean-Yves Alt

Deux plans composent cette photographie :

▪ Sur le premier, en avant, on aperçoit un dessus de cheminée brodé sur lequel sont disposés une coupelle fourre-tout, une paire de lunettes, une clé, une photo de mariage, un brûle-parfum et une horloge derrière laquelle sont glissés du courrier et une carte postale.

▪ Sur le second, reflet d'une scène de vie d'un couple dans une salle à manger Henri II, on voit un homme qui écoute la radio et une femme qui lit le journal.

Je vois la clé comme un indice que donne Robert Doisneau pour découvrir ce qu'il y a derrière cette photo. Et si elle était celle du bonheur de ce couple ?

Les deux horloges m'intriguent car elles n'indiquent pas la même heure : celle de la cheminée marque 17 h 30, celle du miroir 16 h 35. Cette petite heure d'écart indique-t-elle le temps qu'il faut pour passer de l'autre côté du miroir ?

Entre les « objets » du premier plan et ceux du second, il me plaît de discerner de nombreux échanges :

▪ Résonance des objets de la cheminée qui se réfléchissent dans le miroir.

▪ Photographie des jeunes mariés qui fait pendant au couple installé, des années plus tard, dans ses meubles.

▪ Écho de tous les cadres présents : celui de la photo de mariage recouvert de faux cuir avec celui du miroir en bois rainuré, celui de la carte postale avec celui du calendrier des postes, ceux des cadrans des deux horloges...

▪ Dialogue entre les motifs des feuilles de la coupelle fourre-tout et ceux du papier peint.

▪ Liaison entre l'intérieur et l'extérieur : clé, radio, fenêtre, journal.

Robert Doisneau – La cheminée de Madame Lucienne – 1953

Photographie en noir et blanc

En une seule image, Robert Doisneau aborde les notions de temps – jeunesse / vieillesse –, de beauté, d'amour. Quant à la clé, qui ouvre et ferme des espaces différents, du plus petit au plus grand, elle ajoute subtilement l'idée de secret, d'intimité, d'interdit...


Cette photographie est tirée de l'album de Jean Claude Gautrand, « Robert Doisneau 1912-1994 », éditions Taschen, collection Icons, 2003, ISBN : 3822816124, page 111

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Mon regard sur le saint Sébastien, gravure de Hans Baldung à Boston

Publié le par Jean-Yves Alt

Si le Sébastien de Baldung a un corps athlétique, il est loin de posséder le corps d'un jeune éphèbe aux muscles magnifiquement dessinés. Sa barbe fournie montre qu'il est plutôt d'âge mûr.

Il n'est aucunement délivré de ce que son corps vient de subir à l'opposé d'un autre Sébastien de Baldung (Nuremberg).

Son corps est affaissé sur sa hanche gauche mais rien ne rappelle le contrapposto du David de Michel Ange (où le poids du corps repose sur une seule jambe et la ligne des hanches fait opposition à celle des épaules).

Bien au contraire, le poignet de son bras droit – littéralement étranglé par les liens – prouve que ce déhanchement n'a rien d'une posture pour magnifier les muscles du corps : Sébastien s'est effondré sous la douleur occasionnée par les très nombreuses flèches qu'il a reçues.

Les angelots qui l'entourent – par leurs réactions – confirment leur affliction mais aussi et surtout la souffrance du saint.

Hans Baldung Green – Saint Sébastien – 1514

Gravure sur bois, 31 cm x 23cm, Museum of Fine Arts, Boston

Même le paysage en arrière plan semble avoir suivi l'effondrement de Sébastien : la petite maison est prête à disparaître dans les entrailles de la terre.

Ce Sébastien dévoile la conception d'un homme libre : Baldung a saisi – dans les mouvements du saint – l'importance de l'individualité… même face à Dieu.

Merveilleux.

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Quand le réalisme permet l'imaginaire

Publié le par Jean-Yves Alt

La raison d'être des planches de fleurs n'est pas d'ordre esthétique. Elle correspond à la volonté, dès le XVIe siècle, de garder des espèces végétales une mémoire plus vivante qu'un herbier où les fleurs y étaient déformées, décolorées, par le séchage.

Dès le milieu du XVIIe siècle, cette pratique sera l'une des sources des recherches de classifications qui formera la toute naissante botanique scientifique. Et de fait, ce sont la précision et la fidélité au réel qui président à l'élaboration de ces planches.

Pour garantir le caractère scientifique de ces planches, Nicolas Robert a choisi un parti pris de lisibilité, en présentant une organisation aérée, où le fond très clair, neutre, sépare différents éléments du spécimen, accompagné de sa légende. D'où une efficacité visuelle parfaite.

La plante et ses autres éléments sont présentés en grandeurs relatives, afin de donner une bonne idée de sa véritable dimension.

Ce choix scientifiquement rigoureux d'isoler la fleur de son environnement confère aussi à cette planche une dimension poétique.

Le « hors contexte » donne un aspect insolite qui évoque celui des portraits personnifiant ainsi chaque fleur représentée.

Nicolas Robert (1614-1685) – Lilionarcissus Japonicus, rutilo flore. Lys du Japon – XVIIe

Eau-forte et burin avec rehauts à l'aquarelle

Il est alors possible de se laisser aller, dans la contemplation, à des interprétations fantastiques et fantasmatiques, bien au-delà de la pure dénotation scientifique…

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