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Amour nuptial, Jacques de Lacretelle (1929)

Publié le par Jean-Yves

Ce roman dit le tragique destin d'un couple. Le mari conte l'histoire, et Lacretelle l'entoure de tant de détails empruntés à sa propre vie, le figuier d'Aiguesbelles, Silbermann, ses romans, que le livre a l'attrait direct d’une confidence.

Le roman suit les progrès de l'aversion qu'éprouve à l'égard de sa femme ce romancier, tyrannisé par ses besoins intellectuels ; dessèchement de la sensibilité, règne d'un cruel égoïsme.

Le mari dissocie les plaisirs de la chair et ceux de l'âme ; il souffre de devoir à sa femme à la fois les uns et les autres ; dans cet état de trouble, il hait ses liens, il hait toutes les qualités de sa femme, cherche à détacher d'elle l'idéal qu'il s'est formé pour lui seul, ne se sent heureux que lorsqu'une maladie empêche Élise d'être physiologiquement sa femme ; mais la femme ne peut supporter cet amoindrissement, et elle meurt.

L'Amour nuptial évoque L'Immoraliste d' André Gide par la sévérité de l'analyse et la netteté des notations, avec une défiance des images et de la rhétorique. Jacques de Lacretelle maintient discret une sensibilité qui affleure à chaque page. Dans la forme, Lacretelle se distingue par le goût du récit bien fini, sans défaut, sans rien qui choque ou qui surprenne ; sa pudeur de cœur s'étend aux images, aux mots, dans un parfait bon ton.

■ Amour nuptial, Jacques de Lacretelle, Éditions de La Nouvelle Revue Française, Librairie Gallimard, janvier 1929


Du même auteur : Silbermann - La Bonifas

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Pierre Loti, Lesley Blanch

Publié le par Jean-Yves Alt

Lesley Blanch rapporte les faits ci-dessous dans son Pierre Loti : étonnante et somptueuse biographie qui révèle (ou précise) beaucoup de choses sur le plus célèbre et méconnu de nos écrivains « exotiques ».

Samuel, l'ami macédonien très cher que Pierre Loti rencontra en Turquie et qu'il dépeint dans « Aziyadé », prit très mal les amours fameuses (et plus ou moins fictives) de l'écrivain avec la belle Turque, visitée par lui à l'insu de son époux.

Samuel, une nuit, l'a pourtant conduit vers celle-ci, rongeant son frein, et Loti écrit dans son journal : « Quand nous fûmes de nouveau seuls dans notre barque, il vint s'asseoir près de moi. Il m'attira sur sa poitrine et appuya ma tête sur la sienne ; c'est ainsi qu'il restait chaque nuit, immobile et heureux... A force de tendresse, d'humilité, de charme insinuant, de persistance, il avait obtenu de moi cet étrange salaire de son dévouement sans limite. »

D'autre part, Pierre Loti dépeint ainsi Samuel : « Sa tête était d'une beauté antique : le sommeil lui avait imposé une expression tranquille, chaste et sévère. J'oubliais Hakidié (véritable nom d’Aziyadé) en pensant à l'étrange lien qui m'unissait à cet homme [...] Ce charme que je puis exercer sur un homme me plonge dans des pensées pleines de trouble, de vague inquiétude et d'horreur mystérieuse. Samuel ouvrit tout grands ses yeux et me reçut dans ses bras et, avec une étreinte irréfléchie du réveil, appuya ses lèvres sur les miennes... "C'est toi, Effendi... Je t'aime". »

Tout ceci se passant dans un Constantinople dont il écrit : « Le péché de Sodome fleurit dans cette vieille ville d'Orient... Mais je ne puis pas repousser les humbles qui m'aiment quand il ne m'en coûte rien de leur éviter ce genre de peine, le plus dur de tous. »

■ Pierre Loti, Lesley Blanch, Editions du Rocher/Biographie, 2007, ISBN : 2268061027

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Voir double : un éléphant composite…

Publié le par Jean-Yves Alt

De la préhistoire à nos jours, de l'Océanie à l'Europe, les artistes ont sciemment truffé leurs œuvres d'images cachées, de détails destinés à en troubler le sens. La double image est une tentation qui guette, quelle que soit l'époque, tous ceux qui dessinent. Elle sert également à véhiculer des messages religieux, politiques ou sexuels.

Arcimboldo (1527-1593) n'est pas le seul peintre passé maître dans l'art de l'image composite.

Au XVIe et au XVIIe siècle, des artistes perses et indiens créent des miniatures sur le même principe.

L'éléphant est ici composé d'une multitude d'animaux sauvages, symboles de passion et de désordre. Il appartient à l'âme maîtresse d'elle-même et à la fée harpiste ailée Azâdeh de dominer ces pulsions néfastes en les chevauchant. Mais lorsqu'elle est défaillante, ce sont les démons qui cornaquent l'éléphant…

Anonyme – Album Shir Djang – début XVIIe

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Regard blessé, Rabah Belamri

Publié le par Jean-Yves

Algérie, 1962 : la violence fait rage, après comme avant l'Indépendance.


Avec l'épuration, c'est toujours le même scénario : la véritable héroïne, c'est la mort.


Les balles des soldats n'épargnent personne, surtout pas les innocents : femmes, enfants et, dans Regard blessé, même la chienne du jeune Hassan, Ouarda, seulement coupable de veiller sur son jeune maître, menacé de cécité totale.


Chienne de vie !


La scène où cette chienne est abattue puis inhumée est bouleversante. Elle exprime tout ce décalage entre l'extrême sensibilité des êtres et le monde impitoyable qui les entoure. Un geste simple de Hassan, geste de pitié, restaurera toutefois l'espérance d'un monde meilleur, tout en suggérant la nostalgie d'un paradis perdu.


Je ne peux m'empêcher de comparer cette scène avec celle du film Jeux interdits [René Clément, 1952], quand le jeune Michel et la petite orpheline de guerre construisent un cimetière pour tous les animaux de la création, dont les sépultures de terre sont surmontées de croix et ornées de fleurs.


■ Editions Gallimard/Folio, 2002, ISBN : 2070421384


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Le « crime » d'Onan par Paul Reboux

Publié le par Jean-Yves Alt

On verra plus loin que, pratiquer à deux le "crime" d'Onan, c'est là le grand reproche formulé contre les monosexuels.

L'Onan de la Bible, quand il fut mis en demeure d'épouser la veuve de son frère, a esquivé la procréation pour ne pas engendrer, alors que c'était son devoir familial. Il désobéissait à l'ordre paternel. Il avait l'intention, la volonté de désobéir. La stérilité était sa raison d'agir.

Mais il en va tout autrement pour ceux à qui nul devoir matrimonial n'est imposé, pour ceux qui en sont réduits à leurs propres moyens. L'esprit de désobéissance n'est pas en eux. Ils s'exonèrent parce que la Nature les anime de besoins qu'ils ne peuvent satisfaire autrement. Au lieu de se dérober à ses lois, ils s'y conforment, bien que leur soient refusés les moyens de lui obéir pleinement. Ils lui sont indirectement dociles. Chercher un substitut, se contenter d'un pis-aller, n'est pas un crime.

On a, jadis, rédigé des diatribes risibles contre les dangers prétendus horribles qui résultent de cet exercice.

Voici ce que l'on prophétisait jadis dans les manuels d'hygiène :

« Si vous gaspillez ainsi vos forces, votre cou se gonflera extraordinairement. Votre voix s'enrouera. Vous deviendrez incapable d'absorber des aliments solides ou liquides. Vous languirez misérablement, plus pâle qu'un cadavre, gisant sur de la paille, maigre, sale, répandant une odeur infecte, perdant par le nez un sang pâle et aqueux. La bave vous sortira perpétuellement de la bouche. Tels sont, enfants, les affreux ravages d'un égarement qui ne tarderait pas à vous enchaîner si jamais vous en faisiez l'expérience. »

On croit entendre une prédication du Moyen-âge, pleine de menaces, de diables d'enfer, de marmites où mijotent les réprouvés, touillés à coups de fourches démoniaques.

Mais voici, au contraire, ce qu'écrivent les médecins d'aujourd'hui à ce propos :

« On ne peut, dit le docteur J.-R. Nazier (dans ses "Trois Entretiens", publiés par la collection de la Bibliothèque de Vulgarisation Scientifique) que s'incliner devant les louables intentions de l'auteur. Mais il faut reconnaître qu'il a beaucoup exagéré les prétendus dangers de ce contre quoi il lance ainsi l'anathème. Ce procédé fait partie, a remarqué Rémy de Gourmont, des gestes habituels de la nature. Pour presque tous les poissons, c'est le seul mode d'activité sexuelle. Cette campagne féroce date de la publication au XVIIIe siècle, en Angleterre, d'un ouvrage publicitaire qui poussait à l'acquisition d'une mixture sédative préservant de tels périls. Les buts mercantiles du livre ne furent pas compris par des moralistes en mal de citations. Et ils reproduisirent avec horreur des lignes de ce prospectus. Par l'examen des faits, on constate que personne n'a jamais été conduit par cette pratique à l'épuisement physique et intellectuel ou à la folie. »

Ces affirmations gratuites des moralistes d'hier ont exposé les jeunes gens à des aventures aux suites souvent funestes. Elles leur ont fait beaucoup plus de mal qu'ils n'en auraient subi par l'effet d'un exutoire solitaire et salutaire.

Tous les psychiatres ont constaté que, pratiqué modérément, cet usage n'est pas nuisible. C'est aussi l'avis du docteur suisse Robert Chable, du docteur René d'Allendy, de la doctoresse Sokolnicka, psychanalyste éminente, du professeur suisse Forel.

Le professeur Dejerine, lui aussi, est d'avis que ni la perte, ni l'ébranlement nerveux qu'elle accompagne, ne fatigueront un jeune homme. Ce qui l'épuise, c'est d'être obsédé par une idée de reproche moral ou par la terreur d'un épuisement physique. Les hantises provoquées par ces sermons mènent les jeunes gens à la neurasthénie, et parfois au suicide.

Le docteur René Guyon, dans La légitimité des Actes sexuels, et le docteur Raymond Harvey, sont d'avis qu'il en est de l'abus et de la précocité de ce soulagement exactement comme de l'acte normal et licite. La fréquence est à désapprouver dans l'un comme dans l'autre cas. Ni plus, ni moins.

Havelock Ellis nous affirme que d'illustres savants, des Philosophes, des écrivains de génie, ont usé de cette exonération solitaire pour le plus grand bien de leur sécurité hygiénique, de la paix de leurs sens et de la lucidité de leur esprit. Socrate, Diogène se donnaient en exemples à leurs disciples.

Il en est des homélies contre la masturbation – puisqu'il faut enfin l'appeler par son nom – comme de toutes les choses sexuelles.

Elles étaient assurément condamnables du temps où il fallait peupler la terre.

Elles ont cessé de l'être dès que le monde a été suffisamment peuplé.

Ne vont-elles pas devenir recommandables, puisque l'on a constaté les dangers de son surpeuplement ?

Déjà Havelock Ellis, professeur à l'université de Harward, l'un des physiologistes les plus éminents, a écrit, à propos des monosexuels :

« Ils sont, sur le plan moral, l'équivalent de ceux qui, sur le plan physiologique, sont des arthritiques, des rhumatisants, des cardiaques ou des gastralgiques. Non ! Il ne faudrait plus parler de l'amour homosexuel comme d'un égarement de l'instinct génital, comme de la marque d'un développement inférieur, comme d'une faute malheureuse. Il faudrait en parler comme d'une passion naturelle, pure, simple, digne de la tolérance de toutes les nations affinées. »

Paul Reboux

in Sens Interdits : Sodome – Gomorrhe, éditions Raoul Solar, Monaco, 1951, pp. 17-20

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