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La bête contre les murs, Edward Bunker

Publié le par Jean-Yves Alt

Incarcéré à San Quentin, Ronald Decker est averti : en prison, tout est permis si l'on respecte « l'éthique acceptée qui condamnait tout ce qui relevait de l'homosexualité passive ».

« Les queutards n'auront qu'une idée en tête et les chouquettes voudront te téter jusqu'aux amygdales. »

La chance de Decker, dans cet enfer où la moindre erreur se paye d'un coup de poignard, d'un viol ou d'une prolongation de peine, c'est Earl Copen, détenu habile et influent.

Homme tolérant, Earl savait tout « sur les rôles qui se jouaient dans l'intimité d'une cellule. Trop nombreux étaient les gros durs à se faire prendre ! »

Il n'était d'ailleurs « pas contre les tantes et les jeunots mignons. Après plusieurs années sans femmes, un substitut féminin pouvait vous exciter avec la même intensité. Mais Earl était effectivement opposé à l'usage de la force ».

La bête contre les murs, Edward Bunker

« La bête contre les murs » est un réquisitoire contre le système carcéral, ses gardiens corrompus, ses émeutes sauvagement réprimées, ses gangs raciaux et ses caïds redoutés.

Ron Decker essaie de le faire comprendre, en vain, au juge qui lui refuse sa conditionnelle : « La prison est une usine qui fabrique des animaux humains ! »

■ La bête contre les murs (Animal Factory), Edward Bunker, Editions Rivages/Noir, 306 pages, 1994, ISBN : 978-2869307230

Quatrième de couverture : Fils de bonne famille, Ron, 25 ans, est incarcéré à San Quentin, Californie, pour trafic de stupéfiants. Dans la cour de la prison, il se fait vite remarquer par les milliers de paires d'yeux avides de sa jeunesse et de sa beauté. Mais Earl, un briscard quadragénaire, le prend sous sa protection. Earl est un membre influent de la Fraternité, confrérie de prisonniers protégeant les taulards blancs contre les autres. Pour Ron, c'est un moyen de se faire des alliés. Earl va lui apprendre la survie à San Quentin, l'un des plus durs pénitenciers au monde où l'on ne peut se passer de solidarité entre détenus. Petit à petit les deux hommes se lient d'amitié et Ron découvre chez Earl des qualités d'intelligence et de spiritualité qu'il n'aurait jamais cru trouver dans cette jungle où la violence exacerbée s'exerce outrageusement.

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La vie téméraire, Frédéric Rey

Publié le par Jean-Yves Alt

Deux jeunes hommes superbes, fils de paysans, Serge et Stanislas, entrent en amitié, de manière si violente et si passionnée qu'on peut la deviner définitive.

Serge, le narrateur, prépare, dans une caserne, un examen pour être professeur de sport : habitué à la solitude, le seul amour qu'il connaisse est celui de sa mère qui a éduqué son fils dans la nécessité d'être sincère avec soi et autrui.

Stanislas, un peu plus âgé, travaille dans la même caserne. Il est également solitaire et se refuse aux comportements qui abaissent, corrompent et déconsidèrent l'être humain.

Serge est émerveillé par la personnalité de son camarade. Les deux garçons rêvent d'une vie supérieure à celle qu'ils voient chez les autres. Pourquoi devrait-il, au nom de la normalité, refuser ce rêve ?

La vie téméraire, Frédéric Rey

Mais le jeu est bientôt troublé par l'excitante banalité d'une fille : Claire. Une jeune fille ordinaire et ambitieuse qui tombe amoureuse de Serge et qui va tout faire pour prendre la place de Stanislas. Serge cède à Claire et se retrouve prisonnier de tout ce qu'il devinait auparavant comme détestable : la maison de banlieue, les conversations convenues avec la belle-famille, les soirées télé et les sentiments conventionnels.

Serge et Stanislas ne se voient plus. Serge s'éloigne également de sa mère qui se désole d'un tel gâchis.

Un homme peut-il concilier la passion sensuelle qu'il voue à sa femme avec les chaudes obligations de l'amitié ? Tel est le thème – entre autres – que traite Frédéric Rey avec une audace d'autant plus grande qu'elle ne se départit à aucun moment de la force et de la rigueur d'un grand style classique.

« Ne pas faire sa vie avec les convenances. Faire sa vie avec ce qui nous est dicté de l'intérieur de nous-même, si possible du plus profond. Mépriser les imitations. Écouter les vrais besoins de notre cœur et de nos sens, les vraies exigences de notre esprit. Les réaliser coûte que coûte, sans s'inquiéter si la société les avalisera. Être vrai c'est ça. Être heureux aussi. Personne ne peut rien contre l'authenticité. On est toujours le plus fort quand on est soi. » (p. 301)

■ La vie téméraire, Frédéric Rey, Éditions Flammarion, 333 pages, 1992, ISBN : 978-2080641595


Du même auteur : La haute saison

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Le film Tarò bientôt en post-production : soutenez ce film !

Publié le par Jean-Yves Alt

« Taro » est un court métrage (16 min) destiné aux festivals et à la télévision. Le thème est celui du passage à l’âge adulte, de l’acceptation de soi et de la difficulté de vivre cette période charnière qu’est l’adolescence…

A travers l’histoire du jeune Marc, 16 ans, et de son ami Taro, l’auteur Franck Marchal a d’abord voulu parler de liberté, concept souvent illusoire pour une jeunesse qui tente de s’affirmer face aux multiples normes (sociales, comportementales, culturelles et sexuelles) que tente de lui imposer la société.

Le tournage du film a eu lieu du 26 août au 4 septembre 2015 entre la région parisienne et la côte de Nacre en Normandie.

Le crowdfunding d'Ulule constitue une méthode de financement participatif avantageuse à la fois pour l'équipe en charge du projet et pour les donateurs.

Pour Les Films de la Falaise, avoir des particuliers comme coproducteurs est une garantie d'indépendance et une licence pour l'expérimentation.

N'hésitez donc pas à devenir coproducteur de ce projet personnel et original, pour soutenir sans risque un autre type de cinéma !

Le film Tarò bientôt en post-production : soutenez ce film !

La post-production du film est financée par une campagne de crowdfunding sur Ulule.

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Correspondance d'André Gide avec sa mère

Publié le par Jean-Yves Alt

« Mon cher enfant, je reçois ta longue lettre. Je suis incapable d'y répondre, mais j'ai le sentiment très profond qu'il y a beaucoup de sophismes en tout ce que tu m'y dis. La vie ! connaître la vie... Il me semble que Pierre Louys, qu'Oscar Wilde doivent parler ainsi... Pourrais-tu me faire la promesse de ne pas trompeter tes expériences, de les garder pour toi ? Admettons que tu y passes comme au travers du feu, en sera-t-il de même de ceux que ton exemple pourra pousser à tenter les mêmes expériences ? J'aimerais tant que tu me promettes de ne pas communiquer tes expériences ; les faibles y périront, et tu les auras sur toi. Promets, n'est-ce-pas ? »

André Gide, Correspondance avec sa mère (1880-1895), Editions Gallimard, 1988, page 655

« Chère maman, je reçois encore de toi une lettre terrible. Ses huit longues pages, six et demie sont usées pour me convaincre de quelque chose. Ta véhémence pour me convaincre me montre à moi-même combien je suis peu convaincu. J'ai horreur de ces plaidoyers ; passe encore lorsqu'on apporte des arguments nouveaux, mais tu peux bien penser que tous ceux que tu me donnes là, je les ai roulés dans ma tête jusqu'à l'archisatiété. Tu as une façon de vous pousser par les épaules pour vous faire passer où tu veux, tout en disant : « Est-ce que tu ne crois pas que tu ferais bien de passer par là ? » qui rappelle trop le procédé du mendiant de Gil Blas, qui lui demande doucement sa bourse au bout d'un pistolet. Tout cela me prouve à quel point tu t'intéresses à moi, mais j'aime bien pour mes décisions ne relever que de moi-même ; tu sais bien qu'elles n'ont lieu qu'après d'interminables délibérations. Tu ne t'étonneras pas que je ne réponde pas à tous les articles de ton réquisitoire, car ce serait ouvrir une discussion oiseuse, irritante et qui me retirerait tout calme, inutile, enfin, comme toutes les discussions. »

André Gide, Correspondance avec sa mère (1880-1895), Gallimard, 1988, pp. 145-146

« Ma mère commença de s'inquiéter beaucoup (...), elle m'imaginait déjà des amours, une liaison, dont encore elle n'osait me parler ouvertement, mais dont je distinguais le fantôme à travers les allusions dont ses lettres étaient remplies. Elle me suppliait de revenir, de "rompre". La vérité, si elle avait pu la connaître, l'eût effrayée bien davantage, car on rompt des liens plus aisément qu'on ne s'échappe à soi-même, et, pour y réussir, déjà faut-il le désirer ; or ce n'est pas à l'instant où je commençais à me découvrir, que je pouvais souhaiter me quitter, sur le point de découvrir en moi les tables de ma loi nouvelle. Car il ne suffisait pas de m'émanciper de la règle ; je prétendais légitimer mon désir, donner raison à ma folie. »

André Gide, Si le grain ne meurt, 1926

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Les petits cailloux, Claude Gutman (nouvelles)

Publié le par Jean-Yves Alt

Est-on bon juif quand jamais on ne porte kippa, néglige de manger casher, épouse une goy et refuse de faire circoncire son fils ? Quand on ne lit pas Wiesel, fuit l'amour de sa mère et rechigne à cristalliser ses souvenirs autour des seuls noms des camps de la mort ?

Claude Gutman, qu'indigne tout ce qui évoque intolérance et enfermement, se le demande. S'il n'en était lui-même, les siens le taxeraient vite d'antisémite.

Mais est-ce sa faute à lui, s'il sait que, pour tourner, le moteur de sa vie, le goût de la liberté et du bonheur, a besoin de brûler le carcan de la mémoire : l'absurdité des traditions familiales, ce ghetto invisible entretenu autour d'elle par sa communauté ?

Les petits cailloux, Claude Gutman (nouvelles)

Il y a bien de la cocasserie dans ses nouvelles, mais à n'en savourer que les caricatures, pétries d'un tendre cynisme, on risque de n'en pas sonder le fond : le désespoir d'un Candide inédit, écartelé entre une culture qu'il juge délétère mais qu'un passé de larmes et de sang l'oblige à respecter, et le désir d'exister sans l'impression que c'est toujours survivre.

■ Les petits cailloux de Claude Gutman, Editions Julliard/L'Atelier, 155 pages, 1991, ISBN : 978-2260008972

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