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Balthus ou quand la nature se laisse aller…

Publié le par Jean-Yves Alt

Quand Balthazar Klossowski (dit Balthus) réalise cette joueuse de diabolo, il n'a que 22 ans.

Ce tableau en conciliant intériorité et extériorité s'approche des « natures mortes » ; « Stillleben » comme on dit en allemand (langue d'usage de Balthus) soit vie calme, silencieuse, méditative.

La gamme des verts, qui réussit à éviter les seuls tons froids, permet cette ambiance calme. Le diabolo n'est pas le seul à être léger : la composition toute entière est aérienne.

Jusqu'à cette plénitude complice du résineux à droite qui semble mimer avec ses branches, les mouvements des bras de la jeune fille qui envoie son diabolo dans les airs.

Balthus – La Joueuse de diabolo – 1930

Huile sur toile, 80cm x 65cm, Musée Jenisch, Vevey, dépôt d'une collection particulière

Une composition gracieuse et légère où nature et jeune fille sont en harmonie.


Voir aussi : Balthus, un peintre fresquiste ? et Embarquement pour Cythère avec Balthus

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Pour ou contre l'internat ? (1/2)

Publié le par Jean-Yves Alt

« Qu'on ne dise pas que c'est une pépinière de mauvais germes, un séminaire néfaste de principes mauvais qui ne manqueront pas de fructifier ensuite. Ce n'est pas l'internat qui fait la société ; l'internat la reflète. La corruption qui y est florissante vient de l'extérieur. Les caractères qui y triomphent portent en entrant le passeport du succès ; comme ceux qui s'y perdent, la marque de la condamnation. » (1)

Ainsi s'exprime le Dr Claudio, éminent professeur, au collège de l'Athénée, dépeint en 1888 par Raul Pompéia, romancier brésilien qui se souvient de cette jeunesse enfermée.

Pour ou contre l'internat ? Le narrateur ne tranche pas : ces années-là l'ont marqué. Malaise absolu d'une adolescence confrontée à un milieu inacceptable, mais aussi premiers pas douloureux pour une vie d'homme.

Le point de vue énoncé par le Dr Claudio est celui de l'institution. Il justifie le système jusque dans ses tares. Faut-il le souligner, l'internat, le pensionnat n'est pas le vert paradis des amours enfantines. Lieu de violence, on y surveille, on y punit…

(1) in L'Athénée, chronique d'une nostalgie, (1888), Raul Pompéia, éditions Ombres, 1989, ISBN : 2905964227


Lire aussi

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Équilibre instable par Pierre Journiac

Publié le par Jean-Yves Alt

Dans cette sculpture que j'isole ici volontairement de son contexte, Marie semble se courber sous le poids de son fils. Son corps fléchit du côté de son enfant, s'arque pour offrir un flanc affaibli. Jésus n'est certes pas lourd mais sa masse reste tout de même fatigante.

Une mère oblique ; un enfant petit, pesant et en position instable ; les deux ne s'adressant aucun regard.

Avec ce mouvement déporté sur le côté, avec ce bassin féminin qui dévie de sa royale position centrale par rapport aux représentations des siècles précédents, je vois un périlleux travail de poussées et contre-poussées : une difficile recherche d'équilibre entre deux corps qui ne sont pas très stables et qui pourraient se faire du mal l'un à l'autre.

L'enfant pourrait blesser, épuiser sa mère avec son poids déplacé, sans soutien propre, un poids inexorable. La mère pourrait gêner l'enfant, par son incapacité à rester bien droite, avec cette façon de ne pas savoir se tenir, de ne pouvoir rien porter convenablement, cette façon de tenir passionnée certes, mais précaire.

Souffrance et effort réciproques créent un équilibre fragile et invincible. Marie et Jésus se parlent par la pression de leurs corps, par l'effort que chacun exerce, l'un pour retenir, l'autre pour ne pas tomber.

Pierre Journiac - Élément du retable latéral gauche – Église d'Apchon (Cantal)

Bois doré et polychrome – fin du XVIIe

L'enfant ne bénit pas, n'absout pas. Il n'y a pas de supplique ou de prière qui puisse dépasser l'axe établi par leurs regards.

La mère ne montre pas l'enfant. Leur lien semble inexplicable. Il y a, entre eux, comme un secret.

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James Purdy : Une homosexualité couleur de ténèbres

Publié le par Jean-Yves Alt

Dans les Œuvres d'Eustace, roman qui a pour toile de fond le Chicago des années 30, on trouve ce passage significatif, terrible moment où le capitaine Stadger va châtrer Daniel Haws :

– Comment témoigniez-vous votre amour à Amos Ratcliffe ?

La voix du capitaine Stadger couvrait le tonnerre. Avec une sauvagerie impitoyable, il tenait ouvertes les paupières de l'homme mutilé.

– Je ne lui ai jamais donné mon amour, dit le soldat, je l'ai trahi comme je me suis trahi. Le capitaine sortit de sa poche une photographie du jeune mort et la brandit devant les yeux du soldat.

– Préférez-moi à lui tout de suite et vous êtes libre, Haws.

Son prisonnier ne répondant pas, il assena les coups sur lui les uns après les autres. L'écorce de l'arbre ruisselait de rouge. Il abandonna alors Daniel pendant quelques instants et revint avec l'instrument qu'il lui avait montré plus tôt.

La lueur rose d'un éclair illumina ses bords tranchants et le capitaine, sans un mot de plus, se mit à l'œuvre ; il enfonça l'arme comme du feu dans l'aine de Daniel, poussant vers le haut et tout autour. Quand son travail toucha à sa fin, il appuya son visage à celui du soldat et, se pressant contre lui en une accolade sanglante, il dit quelque chose que Daniel lui-même n'entendit pas.

■ in James Purdy, Les œuvres d'Eustace, éditions Gallimard, collection Du Monde Entier, 1969, ISBN : 2070273059, pp.239-240

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Avec James Purdy, fascination de la blessure et du sang…

Publié le par Jean-Yves Alt

Dans Chambres étroites, le héros Roy Sturtevant a un rapport presque amoureux avec le sang. Sadisme ? Cruauté ? Sans doute. Mais il n'y a pas là simplement une tendance à se montrer cruel, mais un style, une tension, une manière incisive et crue d'infliger au lecteur une blessure qui ouvrira sa conscience.

« Il fit une espèce de brève prière délirante ; du moins ferma-t-il les yeux et laissa-t-il certains mots crépiter et tonner hors de ses lèvres blanches ; puis, rejetant la tête en arrière avec (à son regret) une expression soudaine d'admiration pour la façon dont il avait fait ressembler son physique à celui d'une statue romaine, grâce à un incessant et dur labeur corporel dans sa maison, sa ferme, ses pâturages et ses bois (c'était son corps, après tout, qui avait tourné la tête à Brian McFee et avait fini par être l'instrument de sa mort), il taillada ses bras pervers qui avaient joui du poids du pompiste ; une fois qu'ils saignèrent bien comme il voulait, il se taillada les pieds et leurs veines pour avoir admiré les pieds nus de Sidney De Lakes, puis taillada la chair qui lui recouvrait le cœur, parce qu'en dépit de toutes ses mises en garde, son cœur avait continué d'aimer et d'adorer son mortel ennemi. »

James Purdy

■ in James Purdy, Chambres étroites, éditions Persona, 1983, p.101

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