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Être jeté en pâture par Marie-Claire Blais

Publié le par Jean-Yves Alt

[…] un amant trop généreux ouvre la voie à une trop grande liberté ; les gens comme vous sont si naïfs, plus ils aiment, plus ils semblent dire à l'autre : «Tu peux te servir de moi, je suis ton bien.» Devant cela, ce n'est pas le respect ni l'amour qui se réveillent, mais l'instinct du loup. Quand donc apprendrez-vous à mieux connaître l'avidité des hommes et à ne pas tomber dans le piège de la pitié ?

C'est la pitié et la foi qui vous perdent. Là où vous voyez une âme à racheter, une tête lasse se redressant sous la main de la consolation, il n'y a rien d'autre qu'un homme mûr, souvent médiocre, un mauvais caractère, et cet homme a pris l'aspect, pour mieux vous séduire, ou parfois même sans aucun espoir de séduction, d'un vieil enfant à nourrir et abreuver. Il saisit en vous ce qu'il veut bien saisir, pas nécessairement ce que vous aviez l'intention de lui donner, puis il part et cherche ailleurs des nourritures moins élevées, mais plus distrayantes.

Marie-Claire Blais

■ in Le loup, éditions Robert Laffont, 1973, pp.171-172

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Monstrueux par Jean Rustin

Publié le par Jean-Yves Alt

Un monstre ! C'est ainsi qu'au premier regard, je suis tenté de qualifier cette peinture de Jean Rustin pour me protéger de la violence de son impact.

Homme figé dans une contemplation hallucinée, dépouillé de tout accessoire anecdotique, témoin de quelque mystérieux bouleversement dont je ne sais rien…

Un monstre ? Pas si sûr ! Peu à peu, cet être intemporel – dans sa sensation de fragilité – me devient terriblement familier.

Ce regard fixe me prend à témoin du désarroi de cet homme : bouleversante intensité de/dans cette solitude.

Ce portrait a l'impudeur des fous. Dans ce grand dépouillement, rien n'est caché. La précision des couleurs, les superbes nuances d'ombre et de lumière ne laissent aucun répit à mon regard : tout est prévu pour me faire converger vers cet être habité par la douleur.

Jean Rustin – Il attend toujours – 1997

Rien de convulsif, d'éphémère dans cette peinture qui me montre plutôt avec sérénité la solitude sans appel de l'homme.

Insoutenable ! D'autant plus insoutenable qu'il me met en face de mes propres béances et de mes propres déchirements.

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Encore d'autres films qui auraient pu avoir une place ici (3/3)

Publié le par Jean-Yves Alt

… si j'avais pu les revoir récemment pour en faire une analyse que ma mémoire ne me permet plus de faire. Je ne peux donc que vous les suggérer.

Miss O'Gynie et les hommes-fleurs, un film de Samy Pavel (1974)

Sur les relations non idylliques entre un couple d'homosexuels et une femme. Pierre et Yves, deux homosexuels, vivent ensemble dans un village breton. Miss O'Gynie, une ancienne petite amie de Pierre veut le reprendre et use de toutes sortes de séduction pour arriver à ses fins. Devant le peu d'intérêt du jeune homme, Miss O'Gynie quitte la ville.

L'Empereur Tomato-Ketchup (Tomato Kecchappu Kôtei), un film de Shuji Terayama (1970)

Une parodie d'Etat dirigé par les enfants. Une chartre les encourage à pratiquer l'homosexualité et l'inceste, à se servir de la Bible comme papier-toilette. Naturellement, l'Empereur doit abdiquer lorsqu'il atteint la puberté. Tous les commandements appartiennent aux enfants et les adultes bafoués sont réduits en esclavage, dans un renversement des rôles grinçant.

La Cité des neuf portes, un film de Stéphane Marti (1977)

Cette fameuse cité n'est autre que le corps des garçons.

La conséquence (Die Konsequenz), un film de Wolfgang Petersen (1977)

Quand l'amitié, qui se transforme en amour, doit affronter la haine et les préjugés, ou, tous les malheurs qui peuvent s'abattre sur un couple homosexuel.

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Mon regard sur le saint Sébastien attribué à Abraham Gaspard

Publié le par Jean-Yves Alt

L'originalité de ce Sébastien se discerne dans sa réalité charnelle doublée d'un dialogue suppliant entre la chair et le sacré.

Sébastien est dans cette représentation en terre cuite semblable à une statue antique. Avec sa poitrine dessinée, son corps apparaît glorieux, comme en élévation, tendu à l'extrême malgré ses jambes fléchies. Un corps bandé tel un arc.

Pourtant mon attention se concentre sur le linge qui couvre les reins de Sébastien. Sur le devant, ses plis et son tombé indiquent clairement qu’il repose sur son sexe dressé.

Des siècles après les amours idéalisés de la Grèce antique, ce Sébastien élève l'amour, le débarrassant des scories du narcissisme.

Attribué à Abraham Gaspard (Ecole Lorraine) – Saint Sébastien – fin du XVIIe

Terre cuite, Musée Lorrain, Nancy

Comment Sébastien réagira-t-il à ce plaisir dont il ne peut pas parler car ce serait clamer sa solitude, ce serait avouer qu'il a un sexe et des désirs ?

Un Sébastien lourd de sensualité, frustre et plein de sève… Pour qui bande-t-il ?

Le voilà, « gigantesque », ce sexe qu'on essaye toujours de réduire à sa plus simple expression, en l'affublant de sentiments, en le maquillant de théories, en l'escamotant dans une perspective esthétique. Le voilà, monstrueux, ce sexe qui ne tient pas en place, qui ne tient pas sa place, et surtout qui ne se tient pas à sa place en allant jusqu'à donner des idées…

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Haro sur les homos cuirs…

Publié le par Jean-Yves Alt

Cruising, film de William Friedkin devrait être repris sur les écrans…

Accompagné en 1980, d'une odeur de soufre, Cruising, rebaptisé en France La chasse, est un thriller ni bon, ni mauvais qui ne méritait pas le tapage qui a été fait lors de sa sortie.

Le scénario est banal. Un policier est lancé comme appât pour débusquer un tueur de pédés. Pas n'importe quels pédés, des cuirs, ceux qui dérangent le plus et sont fantasmes comme les pires créatures, victimes et bourreaux.

A l'heure où les homosexuels demandent le mariage, il est vrai que ce film ne montre pas n'importe quelle homosexualité. Demander le mariage, même si l'ensemble de la société ne l'accepte pas, est un droit que cette dernière accepte d'entendre car elle donne à l'homosexualité une image acceptable, celle de bons pédés : ce qui est loin d'être le cas des homosexuels montrés dans Cruising, assimilables, je le crains, encore aujourd'hui, à des pervers détraqués aux frontières du pathologique. Comme si le salut tenait à l'image !

Grave est ce racisme anti-cuir qui conforte plus d'un homo ou hétéro. Comme s'il y avait la bonne et la mauvaise sexualité.

Se posera-t-on un jour la question de savoir pourquoi le monde du cuir et son code gêne tant ? La réponse est peut-être dans ce coin secret de notre pensée que nous ne voulons pas admettre.

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