Les vertus de l'oiseau solitaire, Juan Goytisolo
« Dans la cave intérieure / de mon Aimé j’ai bu », écrivait saint Jean de la Croix.
« Un vin qui nous a enivré / avant la création de la vigne », disait le poète Ibn El Farid.
Ces deux exergues ouvrent parfaitement « Les vertus de l'oiseau solitaire ».
Ce livre est un superbe poème en prose, surréaliste, mystique et érotique, dont les échos se réverbèrent des chants soufis à la « nuit obscure » de Jean de la Croix, des chambres noires où se célèbre l'amour physique aux « lieux doux » que sont tour à tour un sauna parisien, une station thermale où s'assemblent des réfugiés, voire un asile psychiatrique illuminé de visions.
Mais qui sont les mystérieux protagonistes, amants, poètes et persécutés ?
On voit passer, mis au féminin, l'Archimandrite en grands falbalas et aux « gros mollets poilus », le séminariste aux jarretières roses, son « accompagnant » qui expie du « fléau que nul ne nomme » et un jeune professeur d'arabe nommé Ben Sida.
Tous, portés par une narration simultanéiste aux méandres ophidiens, conjoignent les amours les plus sulfureuses et les terreurs modernes – nucléaire, fascisme, maladie inguérissable – aux extases de la fusion avec le Divin, analogues chez le saint espagnol et le derviche tourneur d'Islam.
■ Les vertus de l'oiseau solitaire, Juan Goytisolo, traduit par Aline Schulman, Editions Fayard, 195 pages, 1990, ISBN : 978-2213024912