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Une porte dérobée, Maurice Barnay

Publié le par Jean-Yves Alt

« Une porte dérobée » se veut l'histoire d'un homme profondément marqué par sa différence : le long d'un trottoir de Paris, désert comme à l'accoutumée en cet après-midi du 15 août, marche un homme d'une soixantaine d'années, narrateur de cette histoire, le nez plongé dans un livre.

Venant en sens inverse, quatre jeunes gens en voiture s'arrêtent soudain à sa hauteur, l'invectivent – « Vieille tante ! » – et repartent aussitôt, riant de leur fine plaisanterie : scène banale du quotidien que ces quatre post-adolescents en mal d'occupation et tourmentés par une libido agressive.

L'instant d'indignation passé, ce genre de brève rencontre désagréable s'oublie généralement assez vite. Rien de tel pour le narrateur pour qui tout bascule après cette injure, et qui va se réfugier dans sa chambre pour commencer une douloureuse rétrospective, afin d'essayer de comprendre ce qui l'a amené au destin tragique que semble être pour lui l'homosexualité.

Dès lors, rien ne sera passé sous silence. Les premiers émois, les premières questions, les premiers pantalons, les larmes versées pour obtenir l'achat d'une poupée, et des dizaines d'autres anecdotes mises bout à bout par le narrateur finissent par former la trame de ce roman, une laborieuse introspection faite avec une minutie opiniâtre, qui tourne – c'est dommage – à l'obsession.

Quelle que soit l'exemplarité voulue de ces menus faits et gestes du quotidien, cette accumulation n'a que la valeur restreinte d'un témoignage dont l'intérêt se limite à l'homosexualité plus ou moins mal vécue du narrateur. Témoignage qui, dans son enfermement, exclut une des qualités que doit avoir un roman, l'établissement d'un dialogue avec son lecteur. Pour considérer une expérience homosexuelle comme révélatrice d'une époque, encore faut-il s'interroger sur les autres ?

L'intérêt d' « Une porte dérobée » est, dans sa désuétude même, de remettre en mémoire l'époque lointaine du Alexis ou Le Traité du vain combat de Yourcenar, dont la nécessité de l'écriture était incontestable...

■ Une porte dérobée, Maurice Barnay, Éditions Calmann-Lévy, 1987, ISBN : 2702116299

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