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De la représentation du corps masculin

Publié le par Jean-Yves Alt

Au cours des siècles passés, c'est la représentation doloriste qui domine dans la représentation du corps. Dans l'imaginaire et le pictural, l'image d'un corps contraint est véhiculée :

corps du fidèle devant résister à la tentation de la chair, corps des saints martyrisés, corps du Christ supplicié.

Mais le sacrifice n'est jamais valorisé pour lui-même, il n'est signifiant que dans la mesure où il s'inscrit dans la logique de la rédemption. Il s'agit de réduire ce corps d'ici-bas à la portion congrue en vue d'une intégration ultérieure au corps glorieux des croyants.

Durant la dernière campagne d'affichage de la marque de sous-vêtements HOM, du haut des abribus, des rangées de musculeux postérieurs masculins nous contemplent. Et nous évoquent la chute du dernier bastion du sacré : le corps masculin.

Il n'y avait pas lieu de se réjouir des corps objets féminins, poitrines et fessiers mercenaires au service des marques. Mais fallait-il pour autant appeler de nos vœux une parité des corps dans la vacuité mercantile ? L'égalité s'accomplit par le bas - si j'ose dire -, et le corps viril est lui aussi intégré dans les schémas du rentable, du corps utile.

Est-ce là le corps libéré, enfin débarrassé des contraintes écrasantes de l'Église d'antan ? Si l'on entend par libération le devoir de jouissance imposé à tous par la mécanique du marché, alors cette assertion est sans doute vraie. Mais si on veut voir dans la liberté ce qui permet de dépasser les limites du corps individuel pour l'ouvrir à l'altérité, alors cette assertion se retrouve en défaut. Le seul corps «glorieux» est aujourd'hui celui de l'individu tourné vers lui-même, objet d'une quête de jouissance éphémère, et donc éternellement recommencée.

De plus ces corps de pub sont des corps sans visage. En gommant le visage, c'est l'humanité que l'on supprime ; l'esprit est déclaré obsolète au profit d'un corps toujours plus jeune, toujours plus tonique, toujours plus désirable. Et toujours plus seul et morcelé.

Objets de la pulsion visuelle, ces corps ne constituent plus que des parcelles d'individus livrés à la voracité du regard.

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