Un secret, Philippe Grimbert

Les fantômes existent. Non pas les ectoplasmes drapés de blanc qui ululent dans la nuit, mais les inconnus, les disparus, les effacés, ceux que l'on cache au souvenir mais dont l'ombre nous hante. Tout petit, le psychanalyste Philippe Grimbert - qui livre là une part intime de son enfance - s'invente un grand frère imaginaire glorieux et tyrannique, qui le harcèle, le tourmente, ne le laisse jamais en paix.

Lui-même, le teint livide, les cernes marqués, la silhouette chétive, le plexus creusé par un trou semblable à « l'empreinte jamais effacée d'un coup », ressemble curieusement à un fantôme et porte dans son corps ce secret de famille qu'il devine mais que tous lui cachent...

Un obscur et trouble secret, intolérable, inavouable, qui lie les grands crimes de l'Histoire aux petites trahisons familiales, la Shoah et un amour coupable. Mais le grand mérite de ce livre coup de poing, « roman vrai » d'une fausse fiction, réécriture personnelle d'un mensonge collectif, est de montrer la force et l'entêtement de la vérité, toujours là, inscrite en creux, en négatif, même lorsqu'on cherche à la masquer. Une vérité qui finit toujours par s'immiscer, percer par petites touches, crever la gangue de malaise qui l'entoure et par devenir révélation. Difficile de ne pas être impressionné par un tel récit, par sa violence, sa sincérité, sa justesse et sa douloureuse dignité, par tout ce qu'il nous apprend tant de l'Histoire que de nous-mêmes.

■ Un secret, Philippe Grimbert, Grasset, 2004, ISBN : 224667011X