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De l'insulte à l'affirmation de soi : être « queer »

Publié le par Jean-Yves Alt

« Queer » est d’abord une injure qui signifie «tordu, anormal», et désigne couramment les tantes. Ce qui n’a pas empêché les homos de se l’approprier dans les années 1920 et 1930. Après la guerre, l’heure est à la respectabilité. Perçu comme trop dévalorisant, le mot «queer» est supplanté par «gay», qui symbolisera la lutte pour la reconnaissance.

Retour de balancier, depuis la fin des années 1980: «queer» est de nouveau revendiqué par un groupe d’activistes. Fondée à New York en 1990, la Queer Nation s’attaque avec verve et férocité à l’homophobie et au sexisme. Le groupe disparaîtra rapidement, mais le nom entre dans l’histoire.

Synonyme de contestation radicale de toutes les normes dominantes, son sens s’élargit jusqu’à viser la politique de l’identité gay, jugée trop exclusive, trop communautaire, trop figée, trop synonyme de mâle-blanc-middle-class, trop soucieuse de bienséance et d’intégration… La « théorie queer » est née.

Dans la lignée de Michel Foucault, elle connaîtra un succès inouï, cherchant à englober tous les sous-groupes homos, y compris ceux qui font honte à l’orthodoxie gay et, au-delà, aux sexualités considérées comme déviantes : les transsexuels, les travestis, les bisexuels.

Les frontières vacillent, comme le résume le titre de l’ouvrage emblématique de Judith Butler (publié en 1990), « Gender Trouble » – trouble de l’identité sexuelle (en français : Trouble dans le genre : Pour un féminisme de la subversion, Editions La Découverte, avril 2005, ISBN : 2707142379). Victime de son succès, désormais mis à toutes les sauces, le queer semble s’essouffler aux Etats-Unis.

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