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Mathéo et Julien, Jean-Louis Rech

Publié le par Jean-Yves Alt

Mathéo aime Julien et Julien aime Mathéo. Leur amour semble l'unique amour de Paris, cité qui offre tous les départs possibles.

Mathéo et Julien donnent l'espoir, des raisons de vivre. C'est éternellement « Roméo et Juliette » ou tout simplement l'idée fixe, celle qui rive chacun au dédale connu des rues : le court de tennis, le lycée, le bistrot où chacun prend un chocolat chaud après la pluie, l'appartement « nid » de Mathéo, les cinémas des Halles, le Louvre avec son Endymion d'Anne-Louis Girodet…

Il y a aussi l'Afrique de Mathéo, celle où il a grandi, suivant sa mère médecin dans les différents programmes sanitaires en brousse. Et encore, la villa du Vésinet où se déploient, dans une maison mémoire, les mille attentions qu'étend Séphora, la nounou, au-dessus de Julien, son protégé… pour un inconscient sauvetage.

Si le lecteur « homonyme » (du nom de la collection où paraît cet ouvrage) est plongé dans cet univers dont il connaîtra tous les personnages, il est en même temps au centre de la/sa vie, au bord d'un précipice où grouillent les espoirs, les défaites et les instants sauvés du temps qui fuit.

C'est dire que le dernier roman de Jean-Louis Rech est une réussite. Il ose l'utilisation des « grands » ingrédients romanesques, un décor onirique où s'affrontent le soleil, l'eau, la musique, la littérature et les murs imposants délimitant un gouffre, une histoire – des histoires – de fatalité, de destin, d'amour impossible.

« Pédé ? Oui ! Et alors ? Je ne veux pas que ce soit une insulte ! Comment leur dire que je ne suis pas embarrassé par ce que je vis, mais par la bouillie que ça devient dans leur tête ? Oh, non ! Je n'ai pas honte de ce qui m'arrive. Je n'ai jamais rien vécu de meilleur ! Tu m'as même donné foi en moi ! Je crois qu'aimer est une chance. Tous n'y arrivent pas. Alors, si être amoureux de toi est le signe que je suis pédé, c'est une joie, pas une honte ! Qu'ils viennent m'en parler, je pourrai leur répondre. Seulement, ils ne viendront pas. Je vois dans leur expression le plaisir du mépris. Ça les gonfle comme des baudruches. Pour s'élever au-dessus de moi, ils se remplissent la tête d'images de bâton merdeux et de gémissements féminins. Forcément, féminins ! Machos, en plus ! Alors, quand je vois ça aussi dans le regard des filles... Mais de quoi est-ce qu'on les prive pour éveiller tant de haine ? » (pp. 70/71)

Roman de l'ombre et des ombres (celles, gigantesques, des humains si petits), Mathéo et Julien est avant tout « le » roman de la parole, un lieu du langage parce que chacun est obsédé par la mémoire et la survie : les mots, par leur tentative désespérée d'apaisement de l'oubli, sont les personnages véritables de cette histoire.

Mais la vie cache ses pièges… Mathéo et Julien évoque à sa façon l'incroyable et tragique histoire de Tristan Egolf.

■ Mathéo et Julien, Jean-Louis Rech, Éditions PopFiction, collection Homonyme, 24 mars 2010, ISBN : 9782923753065

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