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Un prix d'excellence, Jean-Louis Bory

Publié le par Jean-Yves Alt

« Un prix d'excellence » est un manuscrit retrouvé de Jean-Louis Bory qu'il faut déguster car cette particulière autobiographie ne retient du temps que l'inaccessible bonheur.

De cette distribution des prix à Méréville au prix Goncourt pour son premier roman (« Mon village à l'heure allemande, 1945), Jean-Louis Bory a toujours eu le prix d'excellence. Pourtant l'auteur met en garde : il y avait eu ces oiseaux, des troupeaux ailés qui chantaient à tue-tête au-dessus du petit garçon, alors que le député Mandore, blessé de guerre greffé de béquilles, lui remettait le beau livre : « Le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède ».

Ces oiseaux goguenards et libres, Jean-Louis Bory est seul à les entendre, comme il capte seul le mot que psalmodie le député bancal : MAALESH. Tout aurait été pour le mieux dans le meilleur des mondes douillets si la vie, soudain, ne criait qu'elle était ailleurs :

►du côté des mauvais élèves, au fond de la classe : ceux qui s'adonnent aux plaisirs délicieusement pervers, du côté de ce John qui, nu, sa pèlerine enveloppante, tel l'oiseau de mauvais augure, secoue les ailes du vêtement pour satisfaire, à la sortie des écoles et autres lieux de jeunesse, son irrésistible goût d'exhibitionniste consommé. Jeux de vilain, jamais consommés, jusqu'à ce qu'un psychiatre pratique ne le détourne vers la baguette phallique d'un chef d'orchestre.

►du côté des caves du lycée : bref, l'autre vie, celle du désir et des amours insatiables, des rêves grandioses et poignants de l'homosexualité.

Sur le dos d'une hirondelle, l'enfant, puis l'adolescent, voyage au-dessus de sa vie, itinéraire insolite de l'écrivain qui décèle que les choses essentielles ne sont pas celles, officielles, que le succès estampille.

Récits, contes, fragments, cette autobiographie de l'émotion se joue de la chronologie, retire du passé les éclairs cocasses ou douloureux qu'un biographe aurait escamotés si tant est qu'il en ait eu connaissance.

Un prix d'excellence, Jean-Louis Bory

« Un prix d'excellence » a été écrit un an avant la mort de l'écrivain. Ironie, émotion et lente traversée de la nostalgie disent les instants furtifs qui ne sont compréhensibles qu'après coup. Souvenirs, si simples que nous pouvons faire nôtres, comme cet ouvrier agricole polonais qui serre l'enfant sur sa poitrine velue, l'embrasse entre chaque lampée de vin et lui lègue, à travers l'ivresse, l'intensité d'un regard : l'autre ivresse d'un désir impossible à exprimer.

Jean-Louis Bory a aimé la beauté, les hommes, l'art, les manifestations humaines ; il fut aussi l'homme de la transgression, l'homme courageux d'une homosexualité libérée des entraves et des pièges intérieurs. Il y avait sans doute aussi en lui, un enfant, un tendre, affamé d'amour, que le tourbillon du monde oubliait. Il en reste ce livre merveilleux, drôle, troublant, acrobate : celui d'un homme qui se livre sans filet, seul et à la fois proche.

■ Un prix d’excellence [le texte lui-même est daté à la fin de Noël 1978], Editions Gallimard, 192 pages, 1986, ISBN : 978-2070706426

Quatrième de couverture : Ce manuscrit retrouvé de Jean-Louis Bory, il l'avait écrit un an avant de disparaître. C'est un vagabondage, très libre, très personnel, au pays de son enfance. À Méréville, en Beauce, quand il y avait la distribution des prix, Jean-Louis recevait toujours le prix d'excellence. Et c'est ainsi qu'on lui remet en récompense Le merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède, livre magique qui provoque la rêverie. À son tour, Jean-Louis voyage sur le dos d'une hirondelle, au gré de sa fantaisie. De la vie familiale et ses orages, il saute en Corse, qu'il explore en compagnie d'un âne. Il évoque son lycée Henri-IV, où il fut élève, puis professeur. Il raconte avec infiniment de drôlerie une visite qu'on lui fit faire à Colette, pour la remercier de lui avoir donné le prix Goncourt.

Le vagabond fait halte pour nous raconter des histoires. Des contes et des nouvelles parsèment son récit, comme les cailloux jalonnant l'itinéraire du Petit Poucet. C'est l'histoire parodique, freudienne et britannique d'un exhibitionniste londonien ou celle d'une demoiselle des Postes qui détourne des lettres par amour. Ou encore une histoire d'anges gardiens qui se joue entre Montmartre et les Tuileries.

À chaque ligne, à chaque phrase, on retrouve, avec bonheur et nostalgie, la voix d'un véritable écrivain.


Lire aussi sur ce blog une biographie écrite par Daniel Garcia Daniel sur Jean-Louis Bory

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