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Le Neveu de Beethoven, un film de Paul Morrissey (1985)

Publié le par Jean-Yves Alt

Paul Morrissey – ancien complice d'Andy Warhol, chroniqueur de l'Amérique du « sex, drugs and rock'n roll » – quitte le New York mal famé pour s'offrir une escapade en costumes dans l'intimité de Beethoven et de son neveu.

Un film inégal, avec des passages franchement bâclés, d'autres très émouvants et pleins d'humour féroce.

Petit point souvent escamoté quand on parle de Beethoven : le musicien avait pris en charge le fils de son frère, en 1815, et il s'acharna jusqu'à sa mort – en 1827 – à le garder auprès de lui, empêchant sa mère de le reprendre avec elle, menant une guerre sans merci contre toute personne et toute chose susceptibles d'éloigner l'enfant. Comme Beethoven jouissait d'appuis importants, il avait pratiquement toujours gain de cause : même lorsqu'on envoya Karl au pensionnat, il réussit à lui imposer sa présence en habitant en face de l'école. Mais jamais Beethoven ne captera l'amour de cet enfant dont il a tant besoin, car plus celui-ci grandira, plus il refusera cet amour si exclusif.

Le film de Paul Morrissey s'attache surtout aux toutes dernières années du compositeur, à partir du moment où Karl est assez grand pour commencer à lui échapper. Le thème en est la lutte impitoyable qu'ils se livrent, l'un pour vivre et respirer en fuyant la domination de son oncle, l'autre parce que la présence de ce neveu qu'il chérit conditionne sa propre survie affective.

Ce qui dessert terriblement «Le Neveu de Beethoven», c'est avant tout une bande sonore épouvantable, notamment dans les premières vingt minutes : certaines voix sont trop rapprochées, d'autres trop éloignées, et cela crée un climat très confus. Et pourquoi, dans la version française, Beethoven serait-il le seul à parler avec un accent allemand ? Mais dès la scène du collège, le film prend vraiment son souffle.

Wolfgang Reichmann domine l'écran comme il dicte sa loi à ceux qui l'entourent : il sait être un Beethoven coléreux, rustaud, obsédé, monstrueux, mais aussi émouvant, malheureux, pathétique, et même implorant dans la scène du carnet où il convainc Léonore (Nathalie Baye) de ne plus revoir le neveu.

Plus on va vers la tragédie, inéluctable, plus Beethoven apparaît seul et pitoyable, emmuré dans sa surdité, et plus Morrissey, avec tact, atténue les touches d'humour qui rendaient le musicien assez ridicule : la scène où il interrompt Karl, les fesses à l'air, baisant la soubrette, est finalement plus cruelle que drôle.

Tout ce qu'il y a dans «Le Neveu de Beethoven» est basé sur des faits réels : l'épisode des œufs pourris, la file d'attente des fans qui viennent voir manger le maestro, sa direction désastreuse de la Neuvième Symphonie parce qu'il n'entend pas sa musique et n'a pas regardé le premier violon (en vrai, l'incident a eu lieu à la générale de Fidelio), tous les éléments existent. Il suffit de lire les dossiers du procès, les lettres, et ses carnets de conversation. Carnets que l'on aperçoit dans le film. Beethoven, à cause de sa surdité, donnait à ses interlocuteurs des carnets pour noter leurs réponses.

Un film sans un trop plein d'allusions à l'homosexualité contrairement à certains regards que la psychanalyse a porté sur ce compositeur. Morrissey a réussi un beau portrait de Beethoven : un clown monstrueux, certes, parfois tyrannique et odieux, mais qui inspire aussi de la sympathie à cause de son côté tragique.

Du film, on retire, que Karl, le neveu, était d'abord un « projet » pour Beethoven.


Du même réalisateur : Flesh - Trash

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