Noir et Blanc, un film de Claire Devers (1985)
Fortement inspirée par la nouvelle de Tennessee Williams, "Le masseur noir", Claire Devers envoie son héros (expert-comptable) dans une salle de gymnastique et de musculation, pour mettre à jour les comptes et bilans de cette société en constante progression.
Profitant des installations, le fonctionnaire découvre les vertus du sauna, de la piscine, puis du masseur noir (Jacques Martial). Imposant par sa carrure et sa dextérité. Il façonne le corps chétif, le réveille, le bouscule. Le plaisir exulte par tous les pores de la peau. Sous le franc doigté de son masseur, le comptable va oublier ses chiffres et se dépenser sans compter. Un désir sourd le titillait déjà ? On ne le saura jamais, il ne s'en expliquera pas. Il se contentera de "jouir" et de pousser, à chaque fois un peu plus loin, les limites de son endurance. Comme un défi à lui-même. Son seul commentaire, il le fera pour exprimer ce bonheur salvateur :
« J'étais trop timide, sans curiosité. Ma peur a disparu. Une fois là, il n'y a plus que l'envie de l'assouvir. Mon désir est trop grand. Je ne redoute plus la souffrance. Frappe de toute ta puissance... »
Claire Devers n'y va pas de main morte. En quatre-vingts minutes, elle transporte le spectateur jusqu'aux frontières de "l'insupportable", placé en position de voyeur.
"Noir et Blanc", parfait de concision dans sa forme, a la force psychologique des coups que l'on assène, mais que l'on ne voit jamais. Le poids du non-dit et le choc de la mise à mal.