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Mon regard sur le « saint Sébastien soigné par sainte Irène » peint par Nicolas Régnier

Publié le par Jean-Yves Alt

De son corps on ne perçoit d'abord que la pâleur ivoirine. Puis, le regard lentement glisse comme porté par le balancement du modelé de la jambe et de la cuisse, et longe les lisières sableuses d'un ventre plat, que ceinture le plissé d'un linge.

Une ombre légère creuse un sillon à la surface de la poitrine qui s'offre. La chevelure protège la crête du cou, sommant le visage immobile. Les yeux sont clos.

La bouche entr'ouverte. Pour une plainte ? Un soupir ? Ou un souffle par où s'affirmerait la condition d'homme. Intime fracture, stigmate des origines.

Le jeune homme s'abandonne.

Il gît et les flèches du supplice délimitent son territoire. Certaines le percent encore. Mais la densité de la chair résiste, habitée par une force qui rend dérisoire ce transpercement fantôme.

A ses pieds une armure brille faiblement avec des luisances de coquillage.

Le silence vêt ce corps nu.

Saint Sébastien soigné par sainte Irène, Nicolas Régnier (Maubeuge, 1591 - Venise, 1667)

Musée des Beaux-Arts de Rouen (en réserve), huile sur toile, 148cm x 199cm

Deux femmes veillent. Elles montent une garde attentive. L'espace sculpte les profils à leur commune apparence. Leurs mains se croisent. Sur le pourpre d'une robe se noue leur double geste. Main qui porte un écrin mystérieux, main qui trempe dans ce néant noir. Quelle pâte, quel onguent ira remplir l'ouverture ourlée de sang que le trait d'un index désigne ?

Bouche d'ombre qui nomme le lieu de la douleur, le lieu de la mort jusqu'alors justement inommé. Lumière sur leurs visages, et distance d'un cri entre les regards qui s'affrontent.

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