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La vérité sur Lorin Jones, Alison Lurie

Publié le par Jean-Yves

La vérité sur Lorin Jones se présente comme une enquête. Polly Alter décide d'écrire la biographie d'un peintre femme : Lorin Jones (anciennement Laurie Zimmern). Lorin (Polly a longtemps cru que c'était un homme) est morte, et les dernières années de sa vie restent mal connues, secrètes, floues. Qui était Lorin Jones dont les toiles, après sa mort, deviennent l'enjeu des marchands de tableaux ?

 

Pour Polly qui vient de quitter son mari et décide que tous les hommes sont des salauds, il n'y a aucun doute : Lorin a été la victime des hommes qu'elle a aimés et qui l'ont exploitée.

 

En accord avec ses amies féministes, elle veut écrire « la » vérité : Lorin si belle, si douce, Lorin génie méconnu, Lorin la glorieuse, est morte, seule et blessée, proie de son ancien mari, de son dernier amant, des directeurs de galerie, de son père aussi, et de son beau-père.

 

Car Polly – trente-neuf ans, un fils, un divorce, un père renié – se croit lesbienne. Sur les conseils de Jeanne qui n'aime que les femmes, Polly cherche à dévoiler les mensonges qui entourent la mémoire de Lorin et par ce biais trouver, pour elle-même, la femme-sœur-amante qui la délivrera à tout jamais du monde des hommes.

 

Mais tout va de travers. Qui croire ?

 

De l'image protégée que Polly voulait de toute force (pour sauver sa propre image et la certitude de vivre selon sa vérité) faire incarner par l'artiste morte, on passe progressivement à une autre réalité : Lorin n'aimait que sa peinture. Elle a tout sacrifié à son art, égoïste, fermée aux autres, n'utilisant les hommes que dans l'espoir de son succès.

 

Magnifique portrait d'une Lorin, toujours émouvante, mais cruelle dans son obsession de ne pas se perdre et de sauver son destin de peintre.

 

L'auteure, Alison Lurie, montre, décape, crève les apparences et si elle est tout à fait consciente des ravages provoqués par la différence des sexes, si elle conçoit l'enfermement où certaines femmes se consument, elle se fait l'avocat lucide et calme de ces hommes pleins de bonne volonté et qui donnent beaucoup d'amour aux femmes.

 

Le problème ne serait-il pas plutôt dans le regard, plein de suspicion que les femmes portent sur les hommes, persuadées que leurs mères ont été les esclaves définitives d'un univers machiste... qu'elles semblent pourtant avoir encouragé ?

 

■ Traduit de l'anglais par Sophie Mayoux. Editions Rivages/Poche, 1990, ISBN : 2869304129

 


Du même auteur : Conflits de famille - Des gens comme les autres - Les amours d'Emily Turner

 

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