La nuit du décret, Michel Del Castillo
Ce roman de Michel del Castillo nous invite à un étrange voyage au sortir duquel nos certitudes s’estompent. Un tortionnaire franquiste peut-il au seuil de sa vie organiser et s’offrir son ultime meurtre : le sien ?
Avelino Pared, l’implacable policier, tire sa force de la crédulité des autres. Il sait que toute police doit être minutieuse, organisée et efficace. Il sait qu’elle émane d’un ordre social, un ordre d’essence divine. Avelino Pared est le type même de l’inquisiteur, consumé par la foi, sacrifiant sa vie à sa croyance. Michel del Castillo dresse à travers lui le portrait de l’intolérance.
Le roman débute par une histoire banale : la mutation d'un fonctionnaire ; Santiago Laredo doit quitter Murcie pour Huesca. Le décor est dressé, l’intrigue est lancée. La vie des deux flics se déroule de pages en pages. Laredo enquête, Pared l’attend. Laredo découvre le lourd passé accablant de son futur chef ; d’horreurs en horreurs, la personnalité du tortionnaire se précise : son enfance meurtrie, sa mère mise à l’écart du village, son père muet. Une enfance en apparence différente de celle de Laredo.
Pourquoi alors ce dernier se sent-il attiré par cet homme détesté et craint de tous ? Il s’étonne de l’existence d’un tel personnage mais il se sent souvent proche de lui. N’a-t-il pas, enfant, dénoncé par lettres anonymes son instituteur coupable d’amour homosexuel ? Ne sert-il pas le même régime ? Existerait-il une éthique - secrète, inconnue - de la police : l’âme policière ?
Le jour de la rencontre arrive, moment redouté par Laredo, attendu et préparé par Pared. C’est le père qui trouverait enfin le fils tant désiré. Les fils qu’ils n’ont jamais été ; ce père qu’ils n’ont jamais connu.
Laredo se souvient de son père, lui aussi policier, mais clandestinement membre de la C.N.T. ; ce père dont il ignore tout hormis son apparente froideur.
Le dénouement prend forme ; Pared connaît, en implacable policier, tout le passé de Laredo, même le plus enfoui. Il lui montre son jardin secret : un grenier rempli de fiches ; que des fiches, tout le passé consigné ; toute la carrière d’Avelino Pared.
L’étonnement est total, le rejet brutal : Laredo doit tuer Avelino Pared. Cet homicide volontaire est déjà écrit sur sa fiche. La Nuit du décret se referme sur un meurtre et un départ : Santiago Laredo quitte l’Espagne, la police, pour une vie nouvelle en France.
■ La nuit du décret, Michel Del Castillo, Editions du Seuil, 1981, ISBN : 202006071X
Du même auteur : Le démon de l'oubli - Mort d'un poète - Une femme en soi - Dictionnaire amoureux de l’Espagne - Le faiseur de rêves (Tome 1 des Aveux interdits)